La diversité : Un choix politique

Du républicanisme à la française au multiculturalisme à l’anglo-saxonne, chaque État gère la diversité à sa manière.

Lena Bjurström  • 28 février 2013 abonné·es

Aucune population n’est neutre : toutes sont constituées de multiples appartenances identitaires. L’éternelle question est de savoir si l’État doit prendre en compte ces particularismes. On distingue communément deux systèmes : le républicanisme et le multiculturalisme. En France, la tradition héritée des Lumières trace une frontière entre sphères publique et privée. Dans la première, l’individu est un citoyen indifférencié qui se doit de conserver ses appartenances personnelles et communautaires au sein de l’espace privé. Afin d’assurer une égalité des droits et des devoirs des individus, l’État, neutre et laïc, ne reconnaît aucune spécificité en tant que telle. Si la théorie républicaine semble claire, son application l’est moins. Les détracteurs de ce système dénoncent notamment la négation de la complexité des individus, et surtout la domination d’une culture sur les autres, l’identité blanche, française « de souche », étant bien plus représentée à la tête des institutions. Du débat sur le port du voile à la question des langues régionales, les limites du républicanisme sont régulièrement pointées du doigt.

Le système dit « multiculturel » prend le contre-pied du modèle français. Dans ce cadre, l’État reconnaît les identités culturelles, religieuses, ethniques, sociales, et celles-ci peuvent s’exprimer librement dans la sphère publique. Pendant des années, la Grande-Bretagne a ainsi tenté d’adapter son fonctionnement à ses populations, reconnaissant notamment les appartenances régionales (l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord possèdent leur propre assemblée), mais aussi les identités issues de l’immigration des anciennes colonies et des pays du Commonwealth. Cette reconnaissance se caractérise notamment par l’enseignement de langues minoritaires dans les écoles, le soutien financier de groupes communautaires ou encore une adaptation de certaines lois à des particularités culturelles. Les sikhs sont ainsi autorisés par le Criminal Justice Act de 1988 à porter un poignard, l’un de leurs attributs traditionnels, sur la voie publique. Le désaveu du multiculturalisme prononcé par l’ancien Premier ministre Gordon Brown, dans un discours de 2011, rend compte de l’une des principales critiques faites à ce système. En reconnaissant et en soutenant les particularismes, l’État promulguerait une société émiettée, noyant l’identité citoyenne, où l’individu serait enfermé dans son appartenance communautaire. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la Constitution. Souvent considéré, à tort ou à raison, comme un « eldorado des immigrés », ce pays pratique depuis les années 1970 une politique d’intégration multiculturelle. Cela passe par l’expression des particularismes dans la sphère publique, la création de statistiques ethniques afin de connaître les discriminations, des pratiques de discrimination positive, etc. Cependant, selon certains, comme l’anthropologue Denise Helly [^2], il ne s’agirait pas d’accorder des droits aux communautés (seuls les francophones et les Amérindiens sont ainsi reconnus), mais de promouvoir l’intégration des individus dans le respect de leurs appartenances.

[^2]: Invitée de l’émission « Culturesmonde », de Florian Delorme, sur France Culture, le 25 février 2011.

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