Le pape, un fervent misogyne

Quand il s’agit de la place des femmes dans la société, Jorge Mario Bergoglio, alias François, s’inscrit dans la tradition la plus réactionnaire. Les citations suivantes en font foi.

Nina Bontemps-Terry  • 21 mars 2013 abonné·es

Donc, Habemus papam … Et c’est un concert de louanges : « François » serait un ami des pauvres. Un pape aux pieds nus, contempteur des puissances de l’argent. Mais, nous dit-on, bien conservateur dans le domaine des mœurs. Il y a peu de chances, par conséquent, pour que Jorge Mario Bergoglio permette une évolution sur la question de l’ordination des femmes, qui mobilise pourtant plusieurs associations catholiques…

L’Église et les femmes, c’est une longue histoire de misogynie. Et ce n’est pas Joseph Ratzinger, alias Benoît XVI, qui risquait de faire évoluer la doctrine sur ce point. Le conservatisme se cache parfois sous une dialectique retorse. Dans une lettre aux évêques de 2004, il louait la «  capacité unique  [des femmes] de faire face à l’adversité, de rendre la vie encore possible même dans des situations extrêmes, de conserver un sens de l’avenir et  […] le prix de toute vie humaine  ». Si l’on décrypte, on devine que le pape démissionnaire aurait tôt fait de transformer les femmes en militantes anti-avortement. Il a manifesté la même « admiration » en 2009, lorsqu’il a vanté, dans un discours en Afrique, «  le charme fascinant qui émane de la femme de par la grâce intime que Dieu lui a donnée  ». Ou lorsqu’il a reconnu, en octobre 2012, « les capacités spécifiques des femmes, telles que leur attention aux autres et leurs dons pour l’éducation et la compassion ». N’en jetez plus ! Mais essentialiser « la » femme de la sorte n’est-il pas une manière de ne pas considérer « les » femmes dans la réalité sociale ? «  Nous sommes comblées d’éloges, déplore Anne Soupa, bibliste et fondatrice du Comité de la jupe, tandis que le masculin n’est pas exalté. Difficile de résister à cette tentation qu’est la flatterie.   » Dans son discours africain, Joseph Ratzinger allait encore plus loin : «  Au niveau personnel, la femme fait l’expérience de sa dignité non pas comme le résultat de l’affirmation de droits sur le plan juridique, mais plutôt comme la conséquence directe des attentions matérielles et spirituelles reçues au sein de la famille.  » C’est un retour de la femme au foyer après de timides avancées. En 1965, dans sa « Lettre aux femmes », Paul VI admettait que celles-ci « acquièrent dans la cité une influence et un pouvoir jamais atteints jusqu’ici ». Même Jean Paul II, dans sa lettre apostolique de 1995, réclamait « la parité des salaires pour un travail égal, la protection des mères qui travaillent et un juste avancement dans la carrière ». La logique voudrait donc que les femmes aient aussi accès à l’ordination, c’est-à-dire qu’elles puissent être consacrées diacres, prêtres et évêques. Mais l’Église rejette cette idée.

Des années 1950 aux années 1970, l’Église a enclenché une ouverture au monde moderne caractérisée par les pontificats de Jean XXIII, initiateur de l’incontournable concile Vatican II, et de Paul VI. « Paul VI, pape intellectuel mais très scrupuleux, avait demandé à une vingtaine de biblistes exégètes de débattre sur l’ouverture de l’ordination presbytérale aux femmes », rappelle Christian Terras, rédacteur en chef et fondateur de l’hebdomadaire chrétien critique Golias. « Les trois quarts des biblistes ont conclu que rien dans l’Évangile n’empêche les femmes d’y accéder, mais Paul VI, mis face à cette radicale nouveauté et à ses conséquences, n’a pas ouvert davantage le dossier », se souvient encore Christian Terras. Peur du progrès ou peur de diviser la communauté des croyants ? Bien qu’il soit à juste titre considéré comme un pape moderne, Paul VI ne résiste pas à la tentation de l’androcentrisme. Dès 1965, il reconnaît l’émancipation sociale des femmes, mais ne peut s’empêcher de vanter leur capacité à « rendre la vérité douce, tendre, accessible ». En ce point, il ne diffère pas de son successeur, Jean Paul II, malgré quelques différences idéologiques. Dans le Mulieris dignitatem, lettre apostolique sur la dignité de la femme rédigée en 1988, ce dernier prétend que « la femme ne peut –  au nom de sa libération de la “domination” de l’homme   – tendre à s’approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre “originalité” féminine ». Pour trouver la source de l’ « originalité » féminine, nul besoin de chercher bien loin. Dans cette lettre, Jean Paul II affirme que « la maternité est liée à la structure personnelle de l’être féminin ». Parce qu’elle est en mesure de porter un enfant, la femme serait donc naturellement tendre, sensible, intuitive, généreuse, constante… Pour Anne Soupa, « cette exploitation de “l’essence féminine” n’a que des fins politiques. C’est un moyen de conserver le système patriarcal intact ». Car les revendications des femmes se font de plus en plus insistantes. Plus d’une dizaine de mouvements militants ont éclos en France au siècle dernier. L’Église leur refuse toute évolution, et ses arguments pour le justifier sont des plus hypocrites. « Jésus, comme cela est attesté par le Nouveau Testament, n’a appelé que des hommes, et non pas des femmes, au ministère ordonné », affirme en 1995 la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont le préfet est alors… Joseph Ratzinger. Mais surtout, pour décourager les femmes, l’Église tient un étrange raisonnement. « Pour comprendre qu’il n’y a ni violence ni discrimination envers les femmes, il faut également considérer la nature même du sacerdoce ministériel, qui est un service et non pas une position de pouvoir humain ou de privilège par rapport aux autres. »

Autrement dit, l’Église n’interdit pas aux femmes l’ordination, elle la leur épargne ! Mais elle sait aussi les exploiter : «  Les visiteuses de prison, de malades dans les hôpitaux, celles qui s’occupent des jeunes dans les collèges, qui préparent les messes de funérailles et les services liturgiques, ce sont des femmes, s’offusque Christian Terras, il y a une dichotomie entre la base féminine de l’Église, qui la fait tourner au quotidien, et sa hiérarchie reconnue pour sa nature masculine.  » Ce qui est sûr, c’est qu’avec le nouveau pape on ne risque pas une révolution féministe, lui qui déclarait en 2007, après l’élection de Cristina Kirchner à la présidence de la République argentine : « Les femmes sont naturellement inaptes à exercer une charge politique ». « L’ordre naturel et les faits nous montrent que l’homme est l’être politique par excellence. Les Écritures nous démontrent que la femme est toujours un appui de l’homme penseur et acteur, mais rien de plus que cela. »

Société
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