La bite à Houellebecq (À flux détendu)

Cunégonde était mon amoureuse en classe de 4e.

Christophe Kantcheff  • 2 mai 2013
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Je ne voudrais pas faire de peine à Cunégonde (si tant est que ces lignes lui parviennent), mais je trouve que les poèmes de Houellebecq ressemblent à ceux dont elle m’abreuvait au collège. Cunégonde était mon amoureuse en classe de 4e. Son prénom signifie « audacieuse », « celle qui ne craint rien ». La jeune fille que j’ai connue était tout le contraire. Fragile, angoissée. Du genre à achever un poème ainsi : « La nuit n’est pas finie/Et la nuit est en feu/Où est le paradis ?/Où sont passés les dieux ? »

Elle était déprimée. Elle voyait tout en noir. Plus tard, en lisant Cioran, je me suis dit qu’elle aurait pu trouver en lui son maître. Je m’imaginais Cunégonde en Cioran à tout petits pieds, comme Houellebecq : « Nous pourrirons dans l’herbe douce/Nous nous souviendrons de nos jours/Nos pauvres organes dans la mousse/ Revivront ces moments, toujours/Je le dis, et je n’y crois pas/Car je connais les asticots/Et les vers blancs, Calliphora /Ils ne nous laisseront que les os. » Aussi introvertie fût-elle, Cunégonde n’avait pas froid aux yeux sur une chose : le sexe des garçons. Il y avait même un peu d’obsession chez elle. Je me souviens qu’elle m’avait écrit un jour un vers à peu près de cette facture : « Les hommes cherchent uniquement à se faire sucer la queue. » Malgré mes dénégations, elle n’en démordait pas (si je puis dire). Dans son dernier recueil, Houellebecq a rassemblé quelques poèmes sous le titre « Mémoires d’une bite ». Cunégonde en avait aussi caressé le projet.

Hélas, il ne me reste plus aucun écrit de mon amoureuse. À défaut je lis et cite Configuration du dernier rivage (Flammarion, 96 p., 15 euros), de Michel Houellebecq. Et alors : « Je sens ta peau contre la mienne/Je m’en souviens je m’en souviens/Et je voudrais que tout revienne/Ce serait bien. » 

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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