Un événement majeur

La marche de dimanche aura des conséquences en cascade si le gouvernement persiste à en minimiser l’importance. Analyse.

Michel Soudais  • 9 mai 2013 abonné·es

Mélenchon a-t-il réussi son pari ? La question faisait, dimanche, l’ouverture des journaux télévisés. Comme cela avait déjà été le cas au soir de la manifestation du 30 septembre contre le TSCG, appelée par le Front de gauche et une vingtaine d’organisations syndicales ou associatives, la « Marche citoyenne contre la finance et l’austérité, pour une VIe République » n’était pour la plupart des médias que « la manifestation de Mélenchon ». Se focaliser ainsi sur le coprésident du Parti de gauche, même au prétexte bien réel qu’il a, le premier, lancé l’idée, comme s’il était un navigateur solitaire – « un homme seul », lui avait lancé Jérôme Cahuzac, début janvier, sur France 2 – conduit à manquer l’essentiel.

Dimanche, trois candidats concurrents lors de l’élection présidentielle de l’an dernier défilaient ensemble. En soi, cela n’est pas banal. D’autant que ces trois-là ont recueilli 5 224 000 voix, soit un peu plus de la moitié des suffrages obtenus par le candidat socialiste le 22 avril 2012, et que sans ces voix François Hollande n’aurait jamais été élu. Eva Joly n’a d’ailleurs pas manqué de le lui rappeler en l’invitant à « ne pas oublier le mandat donné par des millions de Français qui ont mêlé leurs voix pour rendre possible [sa] victoire et la majorité parlementaire ». Certes, des divergences subsistent entre l’ex-candidate d’EELV et Jean-Luc Mélenchon, et plus encore avec Philippe Poutou. Mais quand, malgré un « vocabulaire parfois très différent » qu’elle a elle-même souligné tout en se définissant comme une « tête dure », expression très mélenchonienne, Eva Joly déclare que « le temps de la résignation est derrière nous », elle dit la même chose que Jean-Luc Mélenchon annonçant au chef de l’État que sa « période d’essai est terminée ». Ou Pierre Laurent qui appelle «  à reprendre le combat là où le gouvernement a trop vite renoncé ». L’union n’a jamais été l’uniformité. Un autre fait devrait requérir l’attention de tous les observateurs. « Pour la première fois dans l’histoire, le peuple de gauche a marché contre un gouvernement qui se revendique de lui. » Le constat est de l’écologiste décroissant Paul Ariès. C’est un événement majeur qui aura des conséquences en cascade si le gouvernement s’obstine à l’ignorer. Ce qui est pour l’heure sa ligne de conduite.

Alors qu’à 16 h 18 la préfecture de police faisait savoir sur Twitter qu’elle « ne communiqu[ait] aucun chiffre de participation lors de manifestations organisées par des partis politiques », à 17 h 56 l’AFP s’appuyait sur elle pour donner une estimation. Les 30 000 manifestants annoncés par la préfecture, sur ordre de Manuel Valls, participent de ce déni de réalité. Combien étaient-ils ? 180 000 selon les organisateurs. Au moins 100 000, selon nous. Qu’importe du reste le chiffre exact puisque aucune autre force politique n’est capable de mobiliser autant de monde sur des mots d’ordre politique. En pleines vacances scolaires, réunir une telle foule en à peine un mois était pourtant un pari risqué.

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