La peste et le choléra

On peut pas tous rester avec le doigt coincé dans le ciel pur des idées, tas de gauchistes.

Sébastien Fontenelle  • 27 juin 2013 abonné·es

J’ai quant à moi – je veux le dire ici sans fausse pudeur – une grande affection, mélangée de beaucoup d’estime, pour les « socialistes », et elle s’est encore augmentée la semaine dernière, au lendemain du premier tour de l’élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot – où ils se sont pris une gigantesque baffe –, avec leur appel à faire barrage au Front national et à voter par conséquent, au second tour, contre l’extrême droite. Car, en effet, je trouve quand même bien, dans une époque un peu brouillée, qu’il y ait encore des gens pour rester fermes dans leurs convictions, en même temps qu’un peu élégants dans la déculottée.

D’autres que les « socialistes » auraient, je le crains, boudé dans leur coin après l’élimination incroyablement honteuse de leur candidat au premier tour et se seraient muré(e)s dans un ressentiment de niveau CM2 sur le thème : puisque c’est comme ça, demerden Sie sich, et comptez surtout pas qu’on va vous aider à vous sortir du guêpier où vous vous êtes mi(se)s en votant pas pour nous, parce que nous, c’est pas dans nos habitudes qu’on tend l’autre joue, oh non, putain, ferait beau voir. Au lieu de quoi, les « socialistes », très dignes, ont immédiatement appelé à la constitution d’un front « républicain » de tou(te)s les authentiques « républicain(e) s » véritablement attaché(e)s à la « République », ou mourir – un peu comme dans une chanson des Bérus, genre. Quand le Front national se qualifie pour le second tour d’une élection, « j’ai mal à ma France et j’ai mal à mon cœur [^2] », a notamment déclaré un représentant du Parti « socialiste ». (Le même a, tout de suite après, proposé d’interpréter quelques autres vieux succès de Mike Brant, mais ses camarades lui ont répondu que non, ça allait bien comme ça, merci.)

Pour contrer la menace que fait peser sur la démocratie le Front national, dont les responsables passent leur temps à dresser les Françai(se)s les un(e)s contre les autres en grognant qu’il y a trop d’immigré(e)s, trop de musulman(e)s, trop de sans-papiers (etc.), les « socialistes » ont donc appelé à voter plutôt pour une formation facilement reconnaissable au fait que ses responsables passent leur temps à dresser les Françai(se) s les un(e) s contre les autres en grognant qu’il y a trop d’immigré(e) s, trop de musulman(e)s, trop de sans-papiers (etc.) : c’est ça, la vraie politique, Coco, faut mettre les mains dans le cambouis, on peut pas tous rester avec le doigt coincé dans le ciel pur des idées, tas de gauchistes. Et c’est ainsi que l’UMP a pris Villeneuve-sur-Lot. Moralité : les « socialistes » ont des principes – nul(le) n’en peut plus douter depuis qu’ils ont si habilement négocié en 1983 le tournant de la rigueur –, et tu peux être bien certain(e) qu’à chaque fois que la peste menacera de t’emporter tu les trouveras à tes côtés pour t’inoculer le choléra. Et ça, perso, si tu me passes l’expression : ça commence à me faire mal à mes couilles. 

[^2]: J’invente pas : le mec a vraiment dit ça.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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