Vacuité franco-allemande

Une propagande grossière en faveur de l’approfondissement des politiques néolibérales.

Jean-Marie Harribey  • 13 juin 2013 abonné·es

Un groupe de travail patronal dirigé par Jean-Louis Beffa et Gerhard Cromme vient de remettre un rapport aux gouvernements français et allemand : « Compétitivité et croissance en Europe ^2 ». Avec l’amoncellement de rapports tous plus libéraux les uns que les autres, on pensait avoir déjà touché le fond. Non, on peut faire encore mieux en termes de vacuité et d’idéologie. Florilège.

Vacuité. Sept pages et demie (pas plus !) de truismes ridicules : « La reprise économique est impossible sans la croissance. » Traduction : la croissance est impossible sans croissance. « Les déficits budgétaires et les taux d’endettement croissants sont parmi les causes majeures de la crise financière et économique » qu’ont connue les pays de la zone euro en 2011 et 2012. La conséquence transformée en cause ! « 2013 pourrait constituer un tournant, ouvrant sur une reprise durable des économies européennes. » Près de la moitié de l’année est passée dans un marasme complet, mais Mme Soleil dit que la récession apporte le renouveau. « Les réformes du marché du travail sont essentielles pour améliorer la compétitivité, mais elles sont étroitement liées aux questions sociales. » La vacuité du propos atteint son comble, à moins qu’il ne s’agisse de dire que les réformes antisociales sont liées aux questions sociales.

Idéologie. Tout ce qui précède serait risible si cela ne visait pas à introduire une propagande grossière en faveur de l’approfondissement des politiques néolibérales. « Les droits et les taxes sur l’énergie doivent être réduits et harmonisés car l’UE lutte trop contre le changement climatique alors qu’elle devrait œuvrer en faveur des gaz non conventionnels. » Climato-sceptiques nos patrons ? « Le libre accès aux marchés et l’absence de restriction des échanges sont deux aspects importants d’une Europe compétitive. » Le plaidoyer en faveur du libre-échange intégral sans aucune restriction est sans ambiguïté : « libéralisation de l’accès aux marchés publics » et « l’offre de services publics doit être mise en concurrence avec les propositions du secteur privé ». Sus aux « marchés émergents » et « contre les restrictions d’accès aux sources de matières premières ».

Pour le financement des entreprises, « le système bancaire universel au moyen d’un guichet unique doit être maintenu ». Exit la séparation des banques, vive la poursuite de la déréglementation financière, génératrice d’instabilité. En matière de fiscalité, « éviter des charges supplémentaires sur le capital et d’autres facteurs de production » et « réduire les taxes sur les facteurs de production tels que l’énergie, les matières premières ou le travail ». Comme tout vient de ces facteurs, en réalité du travail, on se demande quelle pourrait être l’assiette fiscale. Réponse : « La fiscalité doit porter sur les revenus professionnels plutôt que sur le capital et les possessions. » Entendons : seulement une fiscalité sur les ménages salariés puisque les dividendes ne sont pas un revenu tiré d’une profession, d’un travail donc, mais un revenu de la propriété. À moins qu’actionnaire ne soit un métier ? Et si on développait un cursus universitaire là-dessus ? En anglais, of course 

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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