« Celui qui revient », d’Asoka Handagama : lendemains de guerre pour ceux qui restent

Celui qui revient, du Sri-Lankais Asoka Handagama, montre le sort d’un ex-combattant tamoul.

Christophe Kantcheff  • 10 juillet 2013 abonné·es

Il ne faut pas rater l’occasion de découvrir Celui qui revient, d’Asoka Handagama, que l’Acid avait présenté à Cannes en 2012. Parce que le cinéma sri-lankais est peu connu en France, et parce qu’Asoka Handagama est très certainement l’un de ses représentants les plus singuliers, au regard de ce nouveau film, son huitième long-métrage, et en raison des thèmes qu’il aborde et des représentations qu’il propose. Handagama est un cinéaste dérangeant dans son propre pays. Huit ans se sont écoulés entre ce film et le précédent, la Traversée du rêve ( A Letter of Fire ), dont la sortie avait été empêchée. Une censure dont le cinéaste s’est remis avec difficulté. Celui qui revient (sans nom dans le film, un manque symbolique) a participé à la guerre qui a secoué le pays pendant trente ans, des années 1970 à la fin des années 2000, opposant la minorité tamoule, finalement battue, au gouvernement de Colombo. Le jeune homme, qui faisait partie des rebelles, retourne chez lui, dans la péninsule de Jaffna, après deux ans de camps de « réhabilitation ». Mais il est vivant. Ce qui n’est pas le cas de nombre de fils des autres familles, morts au feu.

Avec la femme qu’il aimait et qu’il a retrouvée – contre l’avis des parents de celle-ci –, l’ancien combattant peine à démarrer une nouvelle vie. Cette figure du réprouvé est le premier axe du film, à laquelle s’adjoint un autre personnage d’importance : l’épouse d’un homme qui a perdu sa place de vigile à cause de « celui qui revient ». Les femmes sont toujours solides et indépendantes chez Asoka Handagama, loin des stéréotypes. Cette dernière va finir par redonner confiance au personnage masculin par sa ténacité et son courage. Le film étonne ainsi par la situation qu’il dessine d’un homme entre deux femmes, même si avec la seconde la relation affective qui se noue n’est qu’esquissée. Dharshen Dharmaraj (l’ex-combattant) et Niranjani Shanmugaraja (la seconde femme) forment un couple improvisé particulièrement émouvant. Il ne s’agit en rien de l’histoire d’un séducteur, mais celle d’un homme désarmé, à tous les sens du terme, qui paye la défaite à laquelle il est associé. Celui qui revient montre aussi comment cette région à dominante tamoule se relève de la guerre, avec les immanquables trafics de ceux qui s’enrichissent de la misère. Malgré son manque de moyens et parfois grâce à cette économie, Celui qui revient déploie, à travers nombre de scènes simplement belles, une tension douce, nocturne et muette. La guerre se prolonge, même une fois achevée.

Cinéma
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