Delphine Batho et l’écologie sacrifiées sur l’autel de l’austérité

La ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a été sèchement débarquée par François Hollande. Elle avait critiqué le « mauvais budget » de son ministère.

Michel Soudais  • 2 juillet 2013
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Delphine Batho et l’écologie sacrifiées sur l’autel de l’austérité
© Photo : PATRICK KOVARIK / AFP

La logique de la Ve République a frappé Delphine Batho. Pour avoir osé dire, ce matin, au micro de RTL, que le budget alloué à son ministère est « un mauvais budget » , la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a été débarquée de ses fonctions manu militari , après une convocation à Matignon. Elle n’a pourtant dit que la vérité. Avec une baisse de 7 % de ses crédits, son ministère est le plus affecté par l’austérité budgétaire programmée en 2014. En chiffres bruts, c’est 500 millions d’euros en moins et un peu plus de 500 postes supprimés.


Il serait tentant de ne voir dans ce limogeage que la volonté du chef de l’État et son aide de camp nantais de réaffirmer à bon compte leur autorité sur le gouvernement. L’Élysée et Matignon ont été très critiqués pour la multiplication des « couacs » au sein du gouvernement. François Hollande avait promis, devant la presse, que cela ne se reproduirait plus. Les critiques de Delphine Batho lui en ont fourni l’occasion. Apparatchik socialiste, sans le soutien d’un courant ou d’une sensibilité, ni aura médiatique particulière, la jeune ministre n’avait pas ni le poids ni surtout le pouvoir de nuisance d’un Arnaud Montebourg qui s’est permis plus d’une fois de ruer dans les brancards d’Ayrault.

Si ce calcul entre pour une part dans l’éviction de Delphine Batho , c’est aussi un message politique qu’ont adressé ce soir Hollande-Ayrault, alors que l’Assemblée nationale débattait de l’orientation budgétaire pour 2014 : La politique d’austérité qu’ils conduisent n’est ni discutable ni négociable ! Comme le note Sergio Coronado, avec ce limogeage, le gouvernement ressemble à une caserne où les ministres n’ont d’autre choix que d’être de bons petits soldats d’une politique décidée à l’Élysée, et de plus en plus à Bruxelles dans les arcanes d’une diplomatie budgétaire secrète. Le message vaut également pour les parlementaires de la majorité, si l’on veut bien se souvenir d’une petite phrase lâchée par François Hollande à Paris-Match (8 mai) : « La ligne, c’est le président de la République qui la fixe. Et il n’y en a qu’une, et une seule, au sein du gouvernement et de la majorité. »

Enfin, le limogeage de Delphine Batho est un signal de plus , et un mauvais signal, qui n’a pas échappé à Pascal Durand : « L’écologie n’est décidément pas prise à sa juste mesure » par François Hollande et Jean-Marc Ayrault, note le secrétaire national d’Europe écologie-Les Verts. Comment imaginer que l’exécutif attache importance et intérêt à un ministère qui en est à son troisième ministre depuis le 6 mai 2012 avec la nomination du fabiusien Philippe Martin ? Un ministère qui plus est doté d’un budget en forte baisse ? Et qui n’a toujours pas inscrit la fiscalité écologique, réclamée par EELV (et ce matin quatre sensibilités du PS), à l’ordre du jour ?

Il est difficilement imaginable que ce limogeage n’ébranle pas les écolos d’EELV. Toute la journée, il ont fait part de leur soutien à la ministre frondeuse, l’enjoignant même de ne pas démissionner. Jusqu’où pourront-ils se déjuger ? Les ministres écolos, Cécile Duflot et Pascal Canfin, sont certes toujours en poste. Mais pour combien de temps ? L’autoritarisme de l’Élysée et Matignon sur un dossier identitaire pour eux rend ce soir inaudible le discours des tenants de la participation gouvernementale selon lequel il faudrait « rester pour peser de l’intérieur » .

Politique
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