La mort d’Ilan Halevi

Le brillant intellectuel et militant de la cause palestinienne est décédé à l’âge de 70 ans.

Denis Sieffert  • 10 juillet 2013
Partager :
La mort d’Ilan Halevi
© Photo : ABBAS MOMANI / AFP

Avant de se lancer dans l’une de ces analyses dont il avait le secret, ses yeux rieurs se plissaient. Ilan Halevi aimait passionnément la politique. Il adorait le débat d’idées. Mieux que quiconque, il savait prendre de la hauteur sur les événements, leur donner une autre dimension. On sortait toujours enrichi d’une discussion avec lui. Ce talent d’analyste qu’il teintait d’humour, cette force de conviction, et cette culture, il les mettait évidemment entièrement au service de la cause palestinienne. Une cause à laquelle il aura voué toute sa vie.

Ilan Halevi, qui est mort mercredi à Clichy, se disait volontiers « 100% juif et 100% arabe », comme s’il portait en lui toute l’histoire de l’ interminable conflit qui a déterminé son destin. Né en 1943, d’une famille juive yéménite, Ilan Albert — c’était son vrai nom — s’était engagé très tôt en politique. Son histoire, c’est un peu l’histoire de toute l’extrême gauche israélienne antisioniste à partir des années 1960. Quelques années plus tard, son engagement a pris un tour singulier parce qu’il a franchi le pas de rejoindre l’Organisation de Libération de Palestine.

Un rôle clé aux côtés de Yasser Arafat

Sa finesse d’analyse n’avait pas tardé à séduire Yasser Arafat avec qui il a entretenu une relation très étroite. En 1981, il fut l’un des fondateurs de la Revue d’études palestiniennes. Et en 1983, lorsque l’homme de confiance d’Arafat, Issam Sartaoui est tombé sous les balles du mercenaire Abou Nidal, c’est lui, Ilan Halevi, qui lui succéda comme représentant de l’OLP au sein de l’Internationale socialiste. Un poste clé au moment où Arafat entamait son offensive diplomatique qui allait conduire aux accords d’Oslo.

Il fut ensuite vice-ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Mahmoud Abbas. Et il fut de toutes les grandes négociations, à la conférence de Madrid, comme à Washington en septembre 1993 où il avait d’ailleurs fait profiter Politis de quelques informations de première main.

Une vie de combat

Ilan Halevi fut, à partir de ces années, l’un des avocats les plus ardents de la diplomatie palestinienne. Une stratégie qu’Israël n’a cessé, comme on le sait, de repousser et de faire échouer pour le plus grand profit des extrémistes et du Hamas. Ilan Halevi a durement souffert dans sa vie même de l’acharnement israélien contre ceux qui avaient pourtant fait le choix de la négociation. Notamment en 2002, pendant l’opération Rempart, quand sa maison de Ramallah avait été détruite.

Mais Ilan Halevi avait une apparente capacité à encaisser les coups du destin, dans la politique comme dans sa vie personnelle. Sa vie de combattant a souvent ressemblé à un roman. Il le savait si bien qu’il avait publié en 2005 chez Flammarion une autobiographie romancée au titre à sens multiples : « Aller-retour ». Aller-retour d’un homme à l’identité composite ; aller-retour entre tous ses pays, Ramallah, Jérusalem, Paris, Tunis, Berlin… ; aller-retour entre la fiction et la réalité. Mais sa plus grande douleur aura finalement été de n’avoir pas connu ce qui a fait sens à son combat : l’avènement, au côté d’Israël, d’un Etat palestinien souverain. Sa disparition nous attriste profondément.

Monde
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »
Donald Trump 20 octobre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, « une esthétique de la peur au cœur de la médiatisation des expulsions »

Chercheur spécialiste des expulsions forcées, WIlliam Walters décrypte la façon dont l’administration Trump organise sa politique migratoire. Il explique également comment la communication autour de ces pratiques violentes est présentée comme un « spectacle » pour le public américain.
Par Pauline Migevant
Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées
Expulsion 20 octobre 2025 abonné·es

Comment Trump et les Gafam empêchent la résistance contre les expulsions forcées

L’application ICEBlock, qui permettait d’anticiper les raids des forces spéciales anti-immigration, a été fermée par Apple, en accord avec Donald Trump. Politis donne la parole à son développeur, en colère contre la trahison du géant américain.
Par Sarah Laurent
Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration
Décryptage 20 octobre 2025

Budget record pour l’ICE : Trump déploie sa machine anti-immigration

Avec plus de 120 milliards de dollars prévus d’ici à 2029, l’agence de l’immigration américaine connaît une expansion sans précédent. Centres de détention, recrutements massifs et expulsions à la chaîne deviennent les piliers du programme Trump.
Par Maxime Sirvins
Gen Z : l’internationale contestataire
Monde 17 octobre 2025 abonné·es

Gen Z : l’internationale contestataire

Comme en 1968, une jeunesse mondiale se lève à nouveau, connectée, inventive et révoltée. De Rabat à Katmandou, de Lima à Manille, la « Gen Z » exprime sa colère contre la corruption, les inégalités et la destruction de l’environnement.
Par Olivier Doubre