Frédéric Viale (Attac France) : « L’accord UE-Canada serait un cataclysme social et écologique »

Pour Frédéric Viale, d’Attac France, il faut refuser la ratification de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.

Thierry Brun  • 31 octobre 2013 abonné·es

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le Premier ministre canadien, Stephen Harper, ont annoncé le 18 octobre s’être entendus sur les « éléments clés » de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Nommé accord économique et commercial global (AECG), cette entente confirme cependant la volonté communautaire d’accélérer le rythme de construction d’un grand marché unique transatlantique aux conséquences dénoncées par Frédéric Viale, d’Attac France.

Avez-vous pris connaissance du contenu de l’accord de libéralisation du commerce et des investissements entre l’Union européenne et le Canada ?

Frédéric Viale : Personne ne peut en avoir pris connaissance, pas même les décideurs politiques car, apparemment, il n’est pas entièrement bouclé ! Ce qui est intervenu la semaine passée, c’est un accord politique, obtenu par décision du Premier ministre canadien qui, après quatre ans de négociations visiblement laborieuses, a voulu affirmer que l’accord devra être terminé. En revanche, ce que nous savons, nous l’avons obtenu par des fuites car, comme d’habitude, le plus grand secret caractérise ce genre de négociations. Principalement, cet accord comporte un mécanisme de règlement des différends dit « investisseur-État », un renforcement de la protection de la propriété intellectuelle, une libéralisation accrue des échanges entre le Canada et l’Union européenne. Mais attendons d’avoir le texte pour mesurer l’étendue du désastre.

Quelles conséquences aura cet accord ?

Elles ne sont pas mesurables exactement, mais elles seront considérables : avec le mécanisme de règlement des différends, les entreprises pourront attaquer les réglementations intérieures des États qui permettraient un traitement différent d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique ou qui diminueraient leurs bénéfices escomptés. C’est un mécanisme que connaît déjà le Canada, car ce pays fait partie de l’accord de libre-échange nord-américain [Aléna : Canada-États-Unis-Mexique, NDLR]. Il permettra aux entreprises d’obtenir des réparations des États si des mesures votées démocratiquement s’aventuraient à être contraires à l’accord de commerce. Ce serait un organisme d’arbitrage international, composé d’une poignée de « juristes » irresponsables, qui en décidera ! Il y a déjà des foules d’exemples : dans le cadre de l’Aléna, une entreprise des États-Unis, Lone Pine, s’avise de réclamer 250 millions de dollars au Canada. Pourquoi ? Le Québec a eu l’outrecuidance de prononcer un moratoire sur l’extraction des gaz de schiste par fracturation hydraulique dans la vallée du Saint-Laurent. On croit rêver, mais cela va devenir monnaie courante dans tous les domaines.

À quel dessein l’accord avec le Canada intervient-il alors que les États-Unis sont en négociation avec l’Union européenne ?

Un accord pour un grand marché transatlantique entre les États-Unis et l’Union européenne est en cours de négociation depuis juillet. Il est conçu exactement sur les mêmes bases. L’accord UE-États-Unis libéraliserait les échanges entre les deux plus grands acteurs commerciaux du monde, avec des conséquences cataclysmiques sur les OGM, les gaz de schiste, les réglementations environnementales et sociales. C’est pourquoi il est important de bloquer la ratification de l’accord UE-Canada qui lui ouvrirait un boulevard.

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