Bras de fer Nord-Sud

La conférence de Varsovie accouche d’une vague feuille de route vers l’accord de 2015.

Patrick Piro  • 28 novembre 2013 abonné·es

La conférence climatique annuelle des Nations unies, qui s’est achevée samedi à Varsovie, est allée au bout du scénario de l’intimidation dans le face-à-face entre les pays industrialisés et le duo Chine-Inde, principaux émetteurs de CO2 des grands pays émergents.

Édition « de transition », la rencontre 2013 apparaissait de peu d’enjeu : les yeux sont rivés sur la rencontre de 2015 (au Bourget), avec l’espoir d’un accord global de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Soit : réussir où Copenhague a échoué en 2009. Cependant, loin d’élaguer la route, Varsovie a surtout vu les oppositions se radicaliser. Comment bâtir un accord international alors que les intérêts nationaux dominent les débats ? Le Protocole de Kyoto, signé en 1997, définissait des obligations de réduction du CO2 pour les seuls pays industrialisés, en raison de leur responsabilité historique. Il y a vingt ans, on calculait qu’ils avaient contribué à hauteur de 75 % à l’escalade du taux de CO2 atmosphérique depuis la moitié du XIXe siècle. Cependant, les États-Unis avaient vite réfuté cette logique, reniant spectaculairement leur signature en 2000 : le premier émetteur de la planète voulait en quelque sorte faire table rase du passé, exigeant d’ores et déjà des engagements de la Chine et des autres émergents aux émissions galopantes, et en voie de leur tailler des croupières sur les marchés mondiaux. Aujourd’hui, le Sud émet plus de CO2 que le Nord, et sa contribution cumulée depuis le début de l’ère industrielle est devenue presque équivalente ! Estimant obsolète le discours sur la responsabilité historique, au Nord, des voix de plus en plus nombreuses appellent à placer la Chine et l’Inde sur le même pied que les « vieux » pays industrialisés. Refus catégorique de Pékin et de New Dehli, qui défendent un « droit au développement » – sous-entendu : avec des énergies fossiles si c’est notre intérêt économique.

Derrière ce raidissement, une autre logique statistique peu audible par le Nord : les « grands pays émergents » regroupent à eux seuls 40 % de la population mondiale, contre 15 % environ pour les pays occidentaux. Un États-Unien émet encore dix fois plus qu’un Indien… Par ailleurs, les pays du Sud ont beau jeu de rappeler que, depuis 2009, le Nord n’a pas tenu ses promesses de les aider financièrement à compenser les impacts du dérèglement climatique. Varsovie n’a donc accouché que d’une micro feuille de route pour Le Bourget : les pays sont d’accord pour préparer des « contributions » (et non des « engagements ») pour réduire leurs émissions, à transmettre « si possible » avant le premier trimestre 2015, afin de ne pas partir à l’aveugle comme à Copenhague. De l’art de faire du surplace sans en avoir l’air.

Écologie
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable
Reportage 19 novembre 2025 abonné·es

Au Chili, sur l’île de Robinson Crusoé, comment la pêche est restée durable

Perdu au milieu du Pacifique à 670 kilomètres des côtes chiliennes, l’archipel mondialement connu pour avoir inspiré le célèbre roman de Daniel Defoe est aussi un bijou de biodiversité marine que ses habitants ont su conserver depuis plus d’un siècle. Au contraire des ressources terrestres, qui se trouvent dans un état alarmant.
Par Marion Esnault
COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »
Carte blanche 17 novembre 2025

COP 30 : « Nous, citoyens équatoriens, ne recevons pas la protection qui nous est due par l’État »

En Équateur, les conséquences sanitaires l’exploitation d’hydrocarbure, qui pollue l’air et les eaux, sont connues depuis des décennies. Leonela Moncayo, 15 ans, mène un combat contre ces torchères avec les Guerrières de l’Amazonie. Témoignage.
Par Patrick Piro
COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages
Récit 17 novembre 2025 abonné·es

COP des peuples : un mouvement mondial contre les grands barrages

Organisée à Belém, la rencontre biennale des personnes affectées par les grands barrages a célébré sa structuration à l’échelle mondiale. L’objectif : affronter les nouveaux défis d’une transition énergétique qui, bien souvent, ne fait pas plus cas des populations qu’auparavant.
Par Patrick Piro
Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »
Reportage 17 novembre 2025 abonné·es

Devant une usine de pesticides BASF, paysans, malades et médecins dénoncent « une guerre chimique »

À Saint-Aubin-lès-Elbeuf en Seine-Maritime, une action d’infiltration a été menée ce 17 novembre dans une unité du géant industriel allemand, pour dénoncer la fabrication de produits interdits en Europe, tel le fipronil.
Par Maxime Sirvins