Le succès fou d’une pétition sur la pêche

En 48 heures, une pétition contre la pêche en eaux profondes est passée de 26 000 à plus de 250 000 signatures. La raison ? Un post sur le blog d’une dessinatrice, Pénélope Bagieu.

Camille Selosse  • 20 novembre 2013
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Le succès fou d’une pétition sur la pêche

Petit retour en arrière. Au mois de mars dernier, la jeune femme assiste à une conférence TEDxParis[^2], où Claire Nouvian, directrice de Bloom, présente l’action de cette association contre la pêche en eaux profondes.
Pénélope Bagieu décide alors de s’investir :
« Je voulais faire quelque chose à mon échelle, à part un chèque. Je lui ai alors proposé de mettre en images son discours, de le rendre un peu plus digeste, et compréhensible en 3 minutes. Internet nous offre la chance de pouvoir interpeller facilement l’opinion publique. »

Elle utilise alors la BD comme « cheval de Troie, c’est-à-dire qu’on lit, on comprend, sans même s’en rendre compte » .
Elle revient notamment sur la biodiversité exceptionnelle et méconnue des fonds sous-marins et explique les conséquences dévastatrices de la pêche en eaux profondes, qui détruit tout sur son passage.

Illustration - Le succès fou d’une pétition sur la pêche

Elle dénonce aussi le fait que cette technique est subventionnée et désigne Intermarché, qui possède 6 des 9 bateaux français autorisés à pratiquer ce type de pêche. Claire Nouvian résume ainsi le travail de la dessinatrice :
« Elle a réussi à aborder un sujet très sérieux, à inclure des chiffres précis tout en aboutissant à un travail drôle. En quelques minutes, vous avez compris toute la toxicité de ce modèle économique de façon simple et amusante. »
Pour finir, Pénélope renvoie vers la page de la pétition. Or, son compte twitter affiche plus de 114 000 abonnés. « Elle nous a alors prévenus que d’ici à la fin de semaine, nous devrions atteindre les 100 000 signatures. Pour nous, 20 000 de plus, ça aurait déjà été une petite victoire. »

«Le gouvernement ne peut ignorer une telle mobilisation»

Les deux femmes sont loin du compte. La page de la BD est « likée » 192 000 fois en 48 heures, retweetée 5 000 fois, partagées sur Facebook à tout-va… L’affluence sur le site de Bloom pour signer la pétition est telle que les serveurs de l’association lâchent.
« On était déprimés. Imaginez, on bosse sur ce sujet depuis dix ans, ça fait dix ans qu’on souhaite une telle audience et, tout d’un coup, ça nous arrive. Toutes les campagnes rêvent de devenir virales. Là, ça devient le cas, et la technique nous lâche… »
Finalement, les serveurs finissent par repartir, et la pétition continue d’engranger des signatures.
Forte de ces nouveaux soutiens, l’association interpelle les responsables politiques : François Hollande, Frédéric Cuvillier, ministre en charge des questions de pêche, ou encore Alain Cadec, député européen et vice-président de la commission en charge de la pêche.

Elle n’a jusqu’à présent reçu aucune réponse.
« Désormais, avec une telle mobilisation, le gouvernement doit entendre la volonté des Français qui refusent ce modèle court-termiste, destructeur, qui vit grâce à leurs impôts et s’appuie sur le rouleau compresseur de lobbies industriels. En attendant, c’est la pêche artisanale qui souffre. Ils ne peuvent pas ignorer une telle mobilisation. »

L’objectif, c’est le vote qui doit avoir lieu au Parlement européen le 10 décembre sur l’interdiction de la pêche en eaux profondes. Or la France se montre très réticente. Peut-être que le succès de la pétition amènera une inflexion des dirigeants français. Mercredi après-midi, en dix minutes seulement, 2 000 signatures ont été recueillies. Pénélope Bagieu, elle, se définit comme « un simple porte-voix » . Un porte-voix non négligeable. Et l’expression « blogueuse influente » prit tout son sens.

>> Découvrir le blog de Pénélope Bagieu


[^2]: TED est un programme mondial de conférences thématiques, organisé par The Sampling Foundation, qui se consacre à la diffusion « des idées pour changer le monde ». Le thème de la conférence de mars était « le souffle et la vie ».

Temps de lecture : 4 minutes
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