Les navires-usines : le problème de fond

Malgré sa faible représentativité, la pêche en eaux profondes a un impact négatif sur l’environnement.

Camille Selosse  • 28 novembre 2013 abonné·es

Les pêcheurs se défendent de « racler » le sol, comme l’affirment de nombreuses associations, et de pêcher aussi profond que l’affirme Bloom. Si le chiffre de 2 000 mètres semble un peu exagéré (en réalité, aucune pêche profonde ne va au-delà de 1 500 mètres), il n’en demeure pas moins que cette pêche a un impact sur ce « l’habitat profond », qui commence dès 200 mètres de profondeur selon la classification européenne Eunis. Une étude publiée dans la revue Nature en 2012 pointait également les évolutions alarmantes des paysages sous-marins après le passage des chaluts qui, s’ils n’arrachent pas forcément de coraux dans l’Atlantique, déplacent des tonnes de sédiments.

Hubert Carré, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), tient cependant à souligner les efforts réalisés ces dernières années pour limiter les dégâts de la pêche en eaux profondes, un argument défendu par l’ensemble des pêcheurs. Mais cet argument a été balayé il y a un an par Les Watling, biologiste, qui estime que, «   s’il y a eu stabilisation de certains stocks, celle-ci s’est faite à des niveaux très bas par rapport au stock initial ». Par ailleurs, la question de la rentabilité de la pêche profonde, qui représente 1,5 % du volume de pêche dans l’Atlantique Nord-Est [^2], fait débat. L’association Bloom a étudié les comptes de la Scapêche, l’armateur d’Intermarché, qui représente la majorité de la pêche profonde. Elle est arrivée à la conclusion que cette pêche vit des subventions, et que, même avec ces subventions, la pêche se fait à perte. Le Grenelle de la mer, organisé par le ministère du Développement durable en septembre 2010, aboutissait à des conclusions similaires à celles de Bloom quant à la rentabilité : une pêche profonde ne pourrait être considérée comme durable qu’avec « des prélèvements extrêmement faibles et donc incompatibles avec une quelconque rentabilité économique ». Autrement dit : pour être rentable, elle est nécessairement destructrice. Les différents rapports sur le sujet suggèrent un recours à la pêche à la palangre – grosse ligne de fond à laquelle sont fixés des hameçons au bout de cordelettes. Et une concertation aurait pu être engagée depuis longtemps pour entamer une conversion vers des modes de pêche plus respectueux de l’environnement, mais aussi plus rentables pour les pêcheurs. D’ailleurs, en 2010, déjà, le Grenelle de la mer faisait des recommandations en ce sens.

[^2]: Selon un rapport de l’Union européenne de juin 2013.

Écologie
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