Mettre le nucléaire israélien à l’ordre du jour

Selon Bernard Ravenel, un processus de désescalade de l’armement de destruction massive est en marche au Moyen-Orient, mais Israël le combat afin de garder son monopole nucléaire dans la région.

Bernard Ravenel  • 21 novembre 2013 abonné·es

Après la réunion de Genève, marquée par la volonté de l’Iran et des États-Unis d’aboutir à un compromis, Israël vient de dérouler le tapis rouge sous les pas de François Hollande pour le récompenser de sa position « ferme » sur le nucléaire iranien. Zone de grande concentration d’armes de destruction massive (ADM), où leur prolifération est la plus susceptible d’engendrer leur utilisation, le Moyen-Orient risque de s’acheminer vers une issue catastrophique. Mais trois événements sont en train de modifier la donne et de créer les préconditions d’une désescalade, ouvrant la voie à des solutions diplomatiques et politiques des conflits dans la région, y compris celui de la question palestinienne.

Le premier est la décision de la Conférence ** de révision du TNP (Traité de non-prolifération des armes nucléaires) de 2010 de lancer un processus de création d’une zone exempte d’ADM au Moyen-Orient. Il aura fallu cinquante ans pour que ce concept soit envisagé concrètement, avec la décision d’organiser une conférence à Helsinki en 2012. En soutenant cette décision, Barack Obama montre sa volonté d’ouvrir une nouvelle période dans les relations des États-Unis avec le monde arabo-musulman et avec Israël. Le deuxième, c’est l’utilisation d’armes chimiques par Bachar al-Assad contre la population syrienne. La démonstration est faite que l’armement non-conventionnel dans la région n’est pas perçu comme un moyen de dissuasion mais comme un outil opérationnel d’ordre tactique. L’État syrien a été contraint d’accepter un processus de démantèlement de son stock d’armes chimiques. Le troisième événement, c’est l’existence d’un compromis probable entre l’Iran, les États-Unis et l’Europe sur la question du programme nucléaire iranien. Les États-Unis ont fait le choix stratégique d’un rapprochement avec l’Iran, et la France ne pourra pas le bloquer longtemps. Or, par une ruse de l’histoire, ces trois événements ont mis au jour ce qu’on voulait occulter : l’existence au Moyen-Orient d’un pays, Israël, devenu un baril de poudre bourré d’ADM (atomiques, biologiques et chimiques), dont il refuse toute remise en cause. En effet, Israël refuse d’adhérer aux conventions internationales qui interdisent la possession de ce type d’armes et reste le seul État de la région à ne pas être partie prenante du TNP. Le processus de désescalade que constituent ces trois événements est combattu par Israël. Seule puissance nucléaire de la région, le pays refuse de participer à la conférence d’Helsinki, ne ratifie pas la convention sur les armes chimiques et, en posant des conditions inacceptables par Téhéran, veut empêcher tout compromis politique.

Pourquoi cette politique du veto ? Certes, c’est le refus de perdre son monopole nucléaire dans la région. Aujourd’hui, l’urgence pour Israël est de conserver l’argument de la « menace existentielle » iranienne. En effet, n’ayant plus sa sécurité menacée, Israël est en passe de perdre le prétexte lui permettant de démontrer la nécessité de la solution militaire contre l’Iran. Avec la crainte du retour, comme priorité dans l’agenda international, du règlement politique de la question palestinienne. Or, les efforts actuels pour mettre un terme aux projets nucléaires de l’Iran ne sont pas durablement crédibles tant que d’autres États dans la région se verront autorisés à avoir des ADM. En clair, la « bombe » iranienne n’a de sens que par rapport à ceux qui l’ont, en particulier Israël. Pour rompre ce cercle vicieux, une conférence internationale sous l’égide de l’ONU, qui traiterait du nucléaire au Moyen-Orient, est nécessaire. Elle aurait pour objectif qu’Israël et l’Iran se conforment au TNP et mettent sous contrôle international toutes leurs installations nucléaires. Le retrait de la Palestine occupée par Israël serait pour lui une meilleure garantie de sécurité que la possession sans contrôle d’ADM. Obama aura-t-il la force d’imposer cette issue politico-diplomatique, seule capable d’éviter la catastrophe ? Cela dépend en partie de l’Europe, et en particulier de la France, qui a les moyens d’une pression forte sur Israël. Mais le récent comportement de François Hollande montre qu’on ne peut guère compter sur lui pour construire la paix au Moyen-Orient.

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