Réforme des retraites: l’introuvable changement de cap

Michel Soudais  • 26 novembre 2013 abonné·es

L’Assemblée nationale a définitivement adopté , mardi après-midi, la réforme des retraites du gouvernement Ayrault, à une majorité plus large qu’en première lecture, malgré le recours au vote bloqué, une procédure que le PS jugeait en 2010 déshonorante et indigne.

Illustration - Réforme des retraites: l'introuvable changement de cap

Rejeté au Sénat le 5 novembre, le texte du gouvernement n’avait été voté par les députés le 15 octobre qu’à une majorité relative de 270 voix contre 249 en raison de l’abstention de 47 élus radicaux de gauche, écologistes et socialistes. Ces abstentionnistes avaient donc le pouvoir de s’opposer à cette réforme de régression sociale qui s’inscrit dans la continuité des réformes menées par les gouvernements de droite depuis 1993, avec un allongement de la durée de cotisation à 43 ans, qui aura pour principal effet de repousser l’âge réel de liquidation de la retraite à 66 ans, voire plus. Pour cela, il eût fallu qu’ils votent contre plutôt que de s’abstenir.

Lire > Réforme des retraites: une lettre ouverte aux députés abstentionnistes

C’est aussi ce que leur demandait, ce midi, Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT, dans la manifestation qui a rassemblé quelques milliers de manifestants à Paris, à l’appel des syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires:

« Il faut que le courage redevienne la règle. Il y en a trop qui disent qu’ils ne sont pas d’accord. S’ils ne sont pas d’accord, il faut qu’ils votent contre. »

Peine perdu. Le détail du vote fait apparaître que les radicaux de gauche, sauf deux (Jean-Noël Carpentier et Jacques Krabal) ont voté le texte. Les écologistes, à l’exception d’Isabelle Attard, qui s’y était opposée en première lecture et a maintenu son vote, se sont abstenus à nouveau. Aucun socialiste n’a voté contre, et les 17 abstentionnistes du 15 octobre n’étaient plus que 10 (Pouria Amirshahi, Jean-Pierre Blazy, Fanélie Carrey-Conte, Nathalie Chabanne, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Christophe Léonard, Jean-Claude Perez, Barbara Romagnan et Suzanne Tallard), auxquels il faut ajouter Delphine Batho, qui avait voté pour et s’est abstenue cette fois.
Quatre députés ont basculé de l’abstention au vote « pour » : Razzy Hammadi, Michel Pouzol, Stéphane Travert et Jacques Valax.
Trois autres étaient absents pour ce scrutin : Jérôme Guedj, Mathieu Hanotin et Jérôme Lambert.

Alors que depuis plusieurs mois des voix s’élèvent à la gauche du PS et chez les écologistes pour réclamer « un changement de cap », suscitant l’intérêt de la direction du PCF, ce scrutin montre de manière éclatante que les tenants dudit changement de cap reculent devant l’obstacle quand ils ont le pouvoir d’imposer ce changement sur un dossier aussi symbolique pour la gauche que les retraites. Une telle reculade ne sera vraisemblablement pas sans conséquences sur la suite des relations entre le Front de gauche, dont les députés ont maintenu leur opposition au texte, et les composantes (bien peu) critiques de la majorité.

Économie Travail
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