Sida en 2013 : régressions et précarité

Olivier Doubre  • 28 novembre 2013 abonné·es

Ce 1er décembre 2013, Journée mondiale de lutte contre le sida, est marqué par plusieurs anniversaires. Tout d’abord, les 30 ans de la découverte du virus par l’Institut Pasteur. Ensuite, les 25 ans de la création de l’Agence nationale de la recherche sur le sida (ANRS), qui finance et coordonne la recherche publique sur cette maladie et, depuis le début des années 2000, sur les hépatites. Enfin, les 20 ans de l’opération la plus spectaculaire de l’histoire de la lutte contre le sida, celle du dépôt par Act Up-Paris d’une gigantesque capote rose sur l’Obélisque, place de la Concorde à Paris. À l’époque, en pleines années noires, alors que très peu de traitements étaient disponibles et que beaucoup de malades mouraient, cette action publique retentissante montrait combien la lutte contre le sida avait un poids politique. À tel point que, l’année suivante, le Sidaction serait diffusé une soirée entière sur l’ensemble du paysage audiovisuel français. Cette époque semble loin derrière nous.

Aujourd’hui, un grand nombre de droits acquis par les malades sont en net recul. C’est ce que souligne l’appel interassociatif à la traditionnelle manifestation de cette journée mondiale, organisée par Act Up-Paris [^2], dont la banderole de tête sera : « Sida, pas d’entraves à l’accès aux soins ». Une revendication qui était déjà celle des associations… au début des années 2000. Outre la baisse continue des budgets des associations, les campagnes de prévention se font rares, sans cibler particulièrement les populations à risques. Avec pour conséquence une situation sanitaire inquiétante en matière de VIH dans les DOM-TOM et un nombre de contaminations en France métropolitaine élevé (en tête des pays occidentaux) et constant, autour de 7 000 par an (dont 35 % concernent les homosexuels, plus de 50 % les hétérosexuel(le)s, dont une bonne part de migrants). En outre, faute de campagnes de dépistage, plus de 30 000 personnes seraient infectées sans le savoir. Pour pallier ce manque, les associations ont mis en place cette année des tests à résultat rapide (à partir d’une goutte de sang), même si ceux-ci demandent ensuite une confirmation dans les centres anonymes et gratuits.

À la fragilité associative s’ajoute une vulnérabilité croissante des personnes les plus précarisées, d’où l’autre slogan des associations pour ce 1er décembre : « La précarité tue ». Celles-ci soulignent les conséquences des réformes hospitalières, couplées à la crise économique, qui font que les malades se soignent moins et moins bien. La fermeture des urgences de l’Hôtel-Dieu (voir p. 13) apparaît comme un symbole du recul de l’accès aux soins pour les personnes contaminées. De même, les transgenres et davantage encore les prostitué(e)s risquent d’être encore un peu plus précarisé(e)s par les effets de la loi pénalisant les clients. En outre, les personnes infectées – déjà frappées lourdement par le chômage (plus de 40 % d’entre elles) – ne parviennent pas à joindre les deux bouts avec une allocation adulte-handicapé d’un montant de 790 euros, quand le seuil de pauvreté est à 977 euros. Enfin, tous les militants crient au scandale des expulsions de malades, alors que leur séropositivité les en protégeait il y a quelques années. « C’est même pire avec Valls qu’auparavant ! », enrage Hugues Fischer, l’un des plus anciens militants d’Act Up-Paris.

[^2]: Pour cause de dimanche, celle-ci a lieu cette année samedi 30 novembre, à 18 h place de la République à Paris.

Société Santé
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