Bloquez ces sites que nous ne saurions voir

Christine Tréguier  • 4 décembre 2013
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Le TGI de Paris vient de rendre son verdict dans l’affaire opposant plusieurs syndicats professionnels de l’audiovisuel aux fournisseurs d’accès à Internet et aux moteurs de recherche. L’assignation remonte à deux ans : les producteurs, éditeurs et distributeurs de vidéos demandaient que soit censuré l’accès aux sites de la galaxie Allostreaming, proposant des contenus audiovisuels en streaming. Certains d’entre eux avaient d’ailleurs été fermés début 2012.

S’appuyant sur l’article 10 de la loi Hadopi de 2009 qui permet au juge, à la demande des titulaires de droits, de prescrire «  toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser  » la diffusion d’œuvres sans l’accord de ces derniers, le tribunal a ordonné aux fournisseurs d’accès Internet (FAI) d’empêcher l’accès, notamment en bloquant les noms de domaine, à seize sites de streaming. La décision vise la galaxie Allostreaming, ainsi que les sites fifostream.tv et à dpstream.tv. Elle devra être mise en œuvre dans les quinze jours et pour une durée de douze mois.

Le tribunal a également ordonné aux moteurs de recherche Google France, Yahoo France, Microsoft France et Orange de «  prendre ou faire prendre toute mesure utile en vue d’empêcher sur leurs services l’apparition de toute réponse et tout résultat renvoyant vers l’une des pages   » de ces sites, autrement dit de les déréférencer pour les internautes français.

-Un article de PC Inpact

-Le communiqué de la Quadrature du Net

Une grande victoire, se félicite l’industrie du cinéma et de la vidéo, qui n’a cependant pas obtenu gain de cause sur toutes ses demandes. Ils devront mettre la main à la poche pour régler les frais de blocage engagés par les FAI et les moteurs de recherche. Ils souhaitaient également pouvoir ajouter à la liste les sites miroirs utilisant d’autres adresses qui apparaîtraient ultérieurement. Sites que l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) se fait fort de détecter grâce à un logiciel maison, comme l’explique un article de PC Inpact. Mais «  sous réserve d’un meilleur accord entre les parties  » , le juge préfère garder la main et les convie à redéposer des référés devant le tribunal pour actualiser la liste.

L’efficacité de ces mesures de blocage est donc toute relative, comme l’ont toujours souligné les défenseurs des libertés. Une rapide recherche sur le Net le démontre. Avant même que les sites visés par le jugement ne soient invalidés, de nouvelles adresses ont déjà fait leur apparition et permettent d’accéder aux mêmes contenus.

Le « sous réserve d’un meilleur accord » inquiète cependant le collectif la Quadrature du Net, qui qualifie ce jugement d’ « alambiqué » . Il redoute qu’il n’ouvre la voie à une «  censure privée en invitant à une coopération entre les acteurs de l’Internet et l’industrie du divertissement, sous couvert d’autorégulation ». Pour Félix Treguer, un de ses fondateurs, «  le blocage apparaît comme une mesure dangereuse, compte tenu notamment du risque inévitable de surblocage d’usages parfaitement licites » . Au lieu de préparer de nouvelles mesures répressives et inefficaces, ajoute Jérémie Zimmermann, «  le gouvernement devrait au contraire s’engager à légiférer pour protéger les droits fondamentaux sur Internet, et entamer une véritable réforme du droit d’auteur ».

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