Douceur du loup

Les personnages imaginés par Grégoire Solotareff nous content une aventure initiatique.

Ingrid Merckx  • 19 décembre 2013 abonné·es

«Il y a les loups et puis il y a Loulou. Il y a les lapins et puis il y a Tom. Depuis longtemps Loulou a un ami et cet ami c’est Tom. » Ainsi commence Loulou plus fort que le loup de Grégoire Solotareff. Album (sorti en 2010) d’une série culte sur une relation contre-nature entre un loup doux et un lapin malin. Loulou – né en 1989 –, c’est l’antidote à la loi du plus fort, une ode au droit d’être autre chose que ce que la nature impose, mais aussi le récit des difficultés à faire respecter ce choix.

Réalisé par Grégoire Solotareff et Éric Omond, Loulou et l’incroyable secret en est encore un exemple : Loulou et Tom sont embarqués au festival de Carne, qui consiste en une partie de chasse orchestrée par des loups et autres crocs sur des habitants de la forêt. C’est aussi une manière pour le prince de Wolfenberg, Lou-Andréa (avec la voix inquiétante de Carlo Brandt), d’offrir un festin à ses invités en les faisant saigner ses bois où se cachent des rebelles « sans crocs ». Naturellement, Loulou (Malik Sidi) et Tom (Stéphane Debac) sont séparés par les règles du jeu. Et tandis que Loulou découvre la vie de château et l’odeur du sang, Tom manœuvre dans les écuries. Le lien, c’est l’incroyable Scarlett (Anaïs Demoustier), une renarde enjôleuse, à la fois Gilda et Catwoman, qui émoustille les deux adolescents. Car, depuis Loulou et autres loups (2003), les personnages ont grandi. Cette aventure est celle de la quête des origines, du road-movie entre copains, de l’éveil à la sensualité. La scène inaugurale est un morceau d’anthologie : Loulou et Tom siestent dans une barque qui se décroche et descend la rivière. Pendant leur sommeil, ils glissent vers d’autres rives, fantastiques ou fantasmatiques…

Le plus épatant dans l’univers de Grégoire Solotareff, c’est cette légèreté acidulée qui habille le propos. L’humour est fin (le jeu des accents), les clins d’œil sont discrets (le tailleur Simon-Edgar Finkel), le décor est à la fois simple (en 2D, effet « papier ») et évocateur (le royaume en tête de loup, la présence de la nature), le climat agréable et frissonnant (la corneille métamorphe, les prédateurs, l’ambiance électrique du festival)… Regrets : l’absence d’un Sanseverino à la bande-son, qui faisait swinguer le premier film (et U, autre œuvre animée de Solotareff), et l’incontournable recours à la couronne dans le scénario. Mais c’est presque une feinte pour Loulou, roi de l’esquive, démineur zen de contes de fées.

Cinéma
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