Le logo ultralight de Max Havelaar

Max Havelaar lance une nouvelle certification de commerce équitable, très avantageuse pour les multinationales.

Philippe Chibani-Jacquot  • 27 février 2014 abonné·es

Le visuel est déjà en place sur des paquets de biscuits de la marque suisse Kambly, que l’on trouve sur le marché français. Lancé officiellement fin janvier en Allemagne, le nouveau logo « Fairtrade Max Havelaar Cocoa Program », autrement dit « programme de cacao Fairtrade-Max Havelaar », informe le consommateur que seul le cacao qui nappe les sablés remplit les conditions du commerce équitable.

Cet acteur majeur du secteur bouleverse ainsi son système de garantie, qui imposait une traçabilité équitable sur tous les ingrédients pour lesquels il existe un cahier des charges. Désormais, un seul « ingrédient » peut être certifié équitable, au lieu de l’ensemble du « produit ». En outre, la traçabilité physique des ingrédients équitables n’est plus une obligation, la traçabilité administrative suffit. Cela fait deux ans que cette largesse a été accordée et peut concerner tous les produits certifiés Max Havelaar. Ainsi, comme l’explique Rudolf Winzenried, le secrétaire général de Kambly, « ce n’est pas nous qui achetons les fèves de cacao, mais celui qui nous fait le chocolat selon notre recette. C’est sûrement possible de savoir quelle est la coopérative, mais, là, je ne peux pas vous le dire ». Avec sa nouvelle certification, l’ONG espère trouver de nouveaux débouchés et augmenter la vente, stagnante, de produits issus du commerce équitable, en particulier dans les filières du sucre, du coton et du cacao. Là où les producteurs certifiés ne vendent en moyenne que le tiers de leur production sur le circuit équitable. Pouvoir s’approvisionner sur l’une des trois filières sans avoir à concevoir un produit fini majoritairement ou à 100 % équitable va en effet ouvrir la porte à de nombreuses entreprises textiles ou agroalimentaires : « La plupart des plats préparés contiennent un peu de sucre », remarque Marc Blanchard, directeur général de Max Havelaar France. Une dizaine de marques et chaînes de distribution en Suisse (Coop), en Allemagne (Mars, Lidl) et au Japon ont déjà annoncé leur participation à ce nouveau programme de certification, intitulé Fairtrade Sourcing Program (FSP). Le cacao a le vent en poupe, particulièrement celui du Ghana et de Côte d’Ivoire. Dans ces pays, les coopératives de producteurs travaillent avec les multinationales et il n’est pas rare qu’elles détiennent différentes certifications durables pour répondre à la demande des firmes. « Le FSP devrait nous aider à garder nos producteurs dans les coopératives et le système fairtrade qui a l’avantage de renforcer la démocratie de nos organisations », espère Fortin Bley, agriculteur et représentant des producteurs d’Afrique au sein de Fairtrade international, la maison mère de Max Havelaar.

La nouvelle marque de Max Havelaar met cependant en cause « la règle d’or : le 100% équitable », pointe la fédération Artisans du monde, à l’origine du commerce équitable en France. L’ONG dénonce cette nouvelle démarche de certification, avec laquelle l’engagement demandé aux grandes entreprises se réduit à la portion congrue. « La principale motivation des multinationales [est de] trouver une réponse aux problèmes de baisse de la qualité du cacao en Afrique de l’Ouest, à la suite de la dérégulation du marché, explique Christophe Eberhart, cogérant d’Ethiquable, une marque 100 % équitable présente en grande distribution. Les certifications durables sont un moyen de s’assurer un flux de cacao de qualité, sans réel surprix », puisque le cours mondial du cacao dépasse actuellement le prix minimum garanti fairtrade. Le surcoût pour l’acheteur se résume donc à la prime de développement de 200 dollars par tonne versée aux coopératives de producteurs. Autrement dit, l’« engagement » équitable est devenu indolore, et « les grandes entreprises se sont toutes engagées à généraliser leurs approvisionnements durables dans les dix ou vingt prochaines années », précise Christophe Eberhart. L’ONG néerlandaise est passée en quelques années à la certification de produits « marque de distributeurs » comme ceux de Leclerc, Carrefour ou Auchan. Des plantations affiliées à ces marques ont obtenu la certification, rompant avec l’image d’un commerce équitable dédié aux coopératives de producteurs. La mainmise des multinationales sur le commerce équitable made in Max Havelaar est désormais plus patente. La mobilisation pour un autre commerce en sort très affaiblie.

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Économie
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