Paris-VII : le fiasco qui met Vinci à nu
Sur le site de l’université Paris-VII, qui fait l’objet d’un partenariat public-privé, les plaintes et les recours s’accumulent contre Vinci, accusé de contourner les règles du droit et de la sécurité. Enquête.
dans l’hebdo N° 1291 Acheter ce numéro

Dans les grands projets du BTP, rares sont les trouble-fête. Le programme de construction de trois bâtiments universitaires dans l’est de Paris est en passe de devenir une illustre exception. Livraison hors commande, contournement des normes de sécurité, arrangements en sous-main avec la complicité du porteur public : la bataille obstinée de deux proches du dossier a mis au jour un véritable fiasco pour Vinci et le ministère de l’Enseignement supérieur.
En juillet 2009, le ministère choisit de recourir à un partenariat public-privé (PPP), signé avec Udicité, groupement de trois filiales de Vinci, pour mener à bien les travaux d’extension de l’université Paris-VII Diderot et gérer les bâtiments pendant vingt-sept ans. Au total, le partenariat engage l’État à hauteur de 273 millions d’euros.
Trois immeubles doivent s’élever au-dessus des rails du TGV. La société In/On, un cabinet d’architectes expérimenté dans ce type d’exercice – mais peu coutumier des contrats avec la multinationale – est désigné pour mener les travaux du plus petit des bâtiments. Mais le courant passe mal dès la signature du contrat. Honoraires au forfait avec obligation d’étudier gratuitement toute demande de modification, absence de garanties pour le droit d’auteur de l’architecte : Vinci propose un contrat « surréaliste », se souvient Philippe Blandin, architecte au cabinet In/On, qui a obtenu à l’époque sa renégociation. Une correspondance d’In/On avec la Mutuelle des architectes français, que nous avons pu consulter, témoigne aussi de la stupéfaction de l’assureur qui pointe les « clauses exorbitantes » du contrat proposé par Vinci et « n’envisage pas d’apporter [ses] garanties » s’il est signé en l’état.
«Abandon du problème de solidité»Les craintes d’In/On étaient prémonitoires. Pour s’être un peu trop inquiété des évolutions du budget et des travaux de renforcement d’une poutre, déterminante pour la solidité et la polyvalence des lieux, le cabinet est écarté par Vinci en février 2010. Il est remplacé par un proche du constructeur, qui exerçait jusqu’alors en tant que « responsable de programmes » pour lui.
Selon Philippe Blandin, Vinci lui propose alors un dédommagement ainsi que « l’abandon de la problématique de la solidité [du bâtiment], le tout accompagné d’une clause de confidentialité ». L’architecte refuse la « scandaleuse proposition » et engage une bagarre pour faire reconnaître son œuvre et obtenir des indemnités de rupture. Une plainte a été déposée pour contrefaçon au droit d’auteur, faux, usage de faux et abus de confiance. Car les plans originaux ont été modifiés. Vinci a allégé le bâtiment afin d’économiser sur les travaux de renforcement de la dalle qui accueillera l’édifice.
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