Présidentielle : Un piège démocratique

L’élection du Président au suffrage universel direct produit des effets pervers.

Isabelle Chaumard  • 13 février 2014 abonné·es

Plus grand monde dans la classe politique ne conteste l’élection du président de la République au suffrage universel, instaurée par Charles de Gaulle en 1962. Pourtant, cette élection ne semble plus remplir les missions qui lui ont été assignées. Il s’agissait, à l’époque, de sortir du « régime des partis », qui avait fait faillite dans la crise algérienne, alors que la France d’aujourd’hui souffre d’un déficit de démocratie. Si cette institution paraît immuable, c’est qu’elle bénéficie d’une double légitimité : « Elle est l’héritage historique de la droite, estime Bastien François, professeur de science politique à Paris-I, mais c’est la gauche qui l’a consommée, François Mitterrand l’entérinant en 1981. Depuis cinquante ans, toute la vie politique française s’est donc organisée autour de cet enjeu. »

Ce système unique dans le paysage européen n’est plus le garant de la stabilité politique qu’il était supposé être. Au contraire, il produit des effets pervers. « Les partis politiques susceptibles de participer à une coalition gouvernementale sont devenus des machines professionnalisées, orientées principalement vers la promotion d’un candidat à l’élection », souligne encore Bastien François. La personnalisation du débat est inévitable, aux dépens des idées. La tentation démagogique est forte. « Le candidat fait campagne seul. N’ayant de comptes à rendre à personne, et notamment pas au Parlement, il peut multiplier des promesses qu’il ne tient pas. À moins qu’il ne glisse vers le populisme. Dans les deux cas, ce sont des effets pervers et peu démocratiques. » Pour le politologue, « le problème vient de la conjonction de deux éléments : d’une part, la toute-puissance du Président –  unique en Europe – et, d’autre part, cette légitimation par l’élection au suffrage universel ». Rares sont donc les formations qui contestent ce système. Dans leur programme de 2012, les Verts proposaient de revaloriser le pouvoir législatif et de supprimer l’irresponsabilité présidentielle. Quant au Front de Gauche, il appelait à «   lutter contre le présidentialisme en défendant le régime parlementaire, les pouvoirs exorbitants du président de la République devant être supprimés. »

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