En finir (vraiment) avec les inégalités salariales

Rachel Silvera propose une approche originale pour résoudre les disparités de revenus.

Thierry Brun  • 6 mars 2014 abonné·es

Les inégalités salariales demeurent persistantes alors que, côté lois, la France est bien dotée. C’est que les rémunérations sont encore liées à un modèle de l’entreprise qui renvoie à la division sexuée du travail. Où finalement sont jugées secondaires, voire invisibles, les activités d’assistanat, de relations, de soins, d’entretien, des emplois à prédominance féminine. À l’autre bout de la chaîne, l’accès des femmes aux postes de décision est toujours limité. En proie au fameux « plafond de verre », alors qu’elles sont plus diplômées que les hommes. Aujourd’hui, les femmes gagnent globalement 27 % de moins que les hommes, ce que Rachel Silvera nomme le « quart de moins », en référence à un régime appliqué aux femmes dans les usines pendant la Première Guerre mondiale. Et l’économiste constate que tout n’est pas mis en œuvre pour réduire ces inégalités salariales. Elle propose ici de nouvelles façons de les aborder, et montre les limites de la construction de raisonnements statistiques autour des disparités de revenus.

Pour ce faire, l’auteure donne la parole à des femmes choisies en fonction de leur métier. Certaines occupent des emplois où les femmes sont rares – ouvrière, technicienne, responsable logistique. D’autres exercent des métiers où elles sont majoritaires – auxiliaire de vie, caissière, agent d’entretien, infirmière, assistante de direction et même DRH. La plupart ont été sélectionnées parce qu’elles se sont battues en justice, individuellement ou collectivement. On voit ainsi que, à l’heure où la modération salariale dans les entreprises est plus que jamais de mise, l’égalité salariale semble hors sujet, excepté dans quelques grands groupes. Statistiquement, au rythme où vont les choses, il faudra attendre 2105 pour voir disparaître ces écarts…

Par ailleurs, rien n’est égal pour les femmes. Les écarts globaux persistent car des facteurs autres que le salaire interviennent. Plus de 80 % des emplois à temps partiel sont ainsi occupés par des femmes. Et une partie importante de ces postes correspond à des offres dans des secteurs féminisés (commerce, aide à la personne, nettoyage, etc.). Dans notre société persiste donc une ségrégation : les femmes restent concentrées dans peu de métiers et peu de secteurs, et, au sein d’un même secteur, elles sont souvent peu présentes dans les emplois qualifiés. Ce qui fait dire à Rachel Silvera que le slogan « à travail égal, salaire égal » est incomplet. En réalité, il faut défendre l’idée « à travail de valeur égale, salaire égal », revendique-t-elle dans ce livre qui vise à donner de nouveaux moyens d’en finir avec des inégalités d’un autre âge.

Idées
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