Éric Piolle, l’écolo qui peut devenir maire de Grenoble

Ingénieur et militant de terrain, Éric Piolle pourrait devenir le premier maire écologiste d’une grande ville préfecture.

Erwan Manac'h  • 24 mars 2014
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Éric Piolle, l’écolo qui peut devenir maire de Grenoble
© Photo : JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

C’est un père de famille discret, un militant de terrain sans coups d’éclat, qui pourrait prendre dimanche les clefs de la mairie de Grenoble. À la faveur d’une stupéfiante dégringolade du Parti socialiste (25%) – et d’une abstention record (47,6%) – Éric Piolle, candidat d’EELV, du Parti de Gauche et d’un réseau citoyen (29 %), est bien placé pour devenir le premier maire écologiste d’une grande ville.

Le conseiller régional de 41 ans est une figure neuve dans le paysage grenoblois. Il a fait son entrée en politique aux régionales de 2010, sur la liste EELV, et a fait ses classes de militant comme parent d’élève FCPE et avec le Réseau éducation sans frontières.

Ses amis ne lui tressent pas de lauriers, mais décrivent un homme brillant et discret, « simple et accessible ». Le surprenant succès de sa liste, qu’aucun sondage n’avait su quantifier, est une œuvre collective, fait-on remarquer dans ses rangs. « C’est un mouvement politique nouveau. Nous introduisons une façon plus collective d’agir et la personnalité d’Éric Piolle convient totalement à ce fonctionnement » , raconte Pascal Clouaire, universitaire et cofondateur du réseau citoyen.

Philippe Meirieu, vice-président du Conseil régional de Rhône-Alpes, au parcours politique similaire, est plus prolixe : « C’est un homme qui réfléchit aux questions qu’on lui pose, ce qui est rare en politique. C’est un vrai bosseur, profondément humaniste, capable d’être combatif sans être agressif. Il fait partie des jeunes qui ont rompu avec la tradition monarchique et qui sont susceptibles de renouveler la politique puisqu’ils ne recherchent pas le pouvoir ».

« J’ai plombé le plan de délocalisation »

Eric Piolle est ingénieur. Il rejoint le groupe informatique Hewlett Packard (HP) en 2001 et devient cadre à 37 ans. « J’ai géré des budgets plus gros que celui de la ville de Grenoble et des équipes plus importantes   », raconte l’intéressé en s’exfiltrant brièvement ce lundi d’une réunion de négociation.

- 41 ans, père de 4 enfants.- Ingénieur en génie industriel, consultant pour une coopérative d’entrepreneurs- Président du groupe EELV à la région Rhône-Alpes
Il est licencié en décembre 2010 pour avoir refusé de mettre en place un plan de délocalisation. « J’avais eu beaucoup de succès “business“ et j’ai utilisé le crédit que j’avais pour nouer des contacts et prouver que le plan [de délocalisation] n’avait pas de sens économiquement. J’ai plombé le plan » , raconte-t-il.

« Nous étions 600 salariés, devant HP, pour manifester contre son licenciement et celui d’un autre employé , raconte Myriam Martinet, délégué CGT à HP. Ce qui n’est pas rien pour un cadre. Il était extrêmement populaire » .

Une conscience écologique tardive

Il passe le pas de la politique fin 2009 et répond à l’appel à candidature d’EELV pour participer à la campagne des régionales, séduit par « la turbulence » que le mouvement impose dans l’environnement politique. « Je critiquais les élus qui gèrent leur mandat comme un business. Je me suis dit que l’engagement associatif ne suffisait plus », raconte-t-il . « Le PS et l’UMP sont dans l’incapacité d’imaginer un nouveau modèle. Ils ne font que gérer la crise ». Ce discours fera en 2012 l’ADN du Collectif Roosevelt, qu’Éric Piolle co-fonde avec Pierre Larrouturou, un ami de vingt ans.

Lire > Le collectif « Roosevelt » ajoute sa voix à la fronde contre l’austérité

Lecteur du Canard enchaîné depuis la 6e, fondateur dans les années 1980 d’une antenne de la Fidl dans son lycée, Éric Piolle n’est pas un naïf. Fin limier sur les questions d’économie et d’éducation, il s’engage avec « une lecture économique et sociale ». Sa conscience écologique est née plus récemment, d’une claque reçue dans les années 2000, « à la lecture du livre Carbon war *, écrit par un négociateur de Greenpeace*   », se souvient-il.

[De nos archives] Nous avons rencontré Eric Piolle à Grenoble le 28 février, en marge du premier meeting de la liste «Une ville pour tous». Extraits :

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Images & montage : Patrick Piro

Industriel, écolo, citoyen… Et gauchiste ?

Lorsque le réseau citoyen, rassemblé dans l’objectif des municipales avec la gauche du PS, doit se trouver une tête de liste, en décembre 2013, Éric Piolle finit par faire consensus. C’est une tête grise qui sait manager une équipe. Un militant local avec une vision globale, encarté à EELV mais encore frais en politique. « Il sort du prêt-à-penser et tout le monde retrouve un peu de soi-même chez lui», juge Fabien Malbet, parent d’élève délégué avec Eric Piolle, aujourd’hui 31e sur la liste « écolo-citoyenne ».

Lire > Grenoble, capitale des gauches

Pour ses opposants, M. Piolle est un personnage aussi inconnu qu’ a priori sympathique. « Il a été choisi parce qu’il a un profil rassurant, mais les électeurs devraient s’inquiéter de l’arrivée à la mairie d’équipes qui sont opposés aux projets scientifiques [nanotechnologie et nucléaire] et urbanistiques que nous avons portés , s’attriste Philippe De Longevialle, candidat centriste (4,5 %) et adjoint à l’urbanisme dans l’équipe sortante. L’écologie est un paravent. C’est beaucoup plus en réalité une liste de gauchistes. »

Grenoble, ville coutumière des pics de pollution a été durement touchée par les mesures de restriction, dix jours avant le premier tour des municipales. - JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Dimanche soir, Éric Piolle n’a montré aucun triomphalisme devant son bon score, qui a surpris son propre mouvement. « À qui je pense ce soir ? Aux abstentionnistes, à tous les gens qui sont dans la merde », lance-t-il ainsi – sur son vélo – à un journaliste du Dauphiné libéré . Il appelle aussi à « l’humilité » , face au score du Front national (12,56 %),  « signe d’une désespérance sociale forte   ».

« L’enjeu est de montrer que la politique peut être au service de tous. »

  • Extrait de son discours, dimanche 23 mars à Grenoble

L’heure était surtout, lundi soir, aux négociations d’appareils. Selon une journaliste de Grenews, les candidats socialistes se sont massivement prononcés contre un ralliement à la liste écolo-citoyenne. «La liste de Safar se divise sur la question d’une fusion, y compris chez les socialistes [alliés avec les communistes et le mouvement Go citoyenneté]», indiquait lundi soir sur Twitter une journaliste au Dauphiné libéré .

Lire > Grenoble : pas de fusion PS-écolos, le candidat socialiste désavoué par son parti


Politique
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