Municipales : un scrutin, trois enjeux

Les 36 600 communes de France désignent dimanche leurs conseils municipaux et les élus à l’intercommunalité. Mais cette élection redessinera aussi les équilibres nationaux.

Michel Soudais  • 20 mars 2014 abonné·es
Municipales : un scrutin, trois enjeux

Les élections municipales se déclinent au pluriel. Si le scrutin a longtemps paru se résumer au combat pour la succession de Bertrand Delanoë, Paris n’est pas la France. Et 926 068 candidats – près d’un électeur sur 49 tout de même ! – sur 21 186 listes se présentent à nos suffrages dans 36 600 communes. Cela constitue autant d’enjeux différents, car avant tout locaux.

En mettant dimanche un bulletin dans l’urne, les électeurs de l’île de Molène (voir p. 20) n’auront pas les mêmes préoccupations que ceux qui vivent à l’ombre de la tour Eiffel, et qui, suivant leur arrondissement, devront choisir parmi sept à onze listes. Deux modes de scrutin coexistent d’ailleurs : scrutin majoritaire, plurinominal, avec panachage, dans les communes de moins de 1 000 habitants ; scrutin proportionnel de liste, sans panachage, avec prime majoritaire à la liste arrivée en tête dans celles de plus de 1 000 habitants.

Dans ces dernières – exceptées quelques villes d’Île-de-France et Paris –, un deuxième enjeu se présente. Pour la première fois cette année, les électeurs vont y désigner leurs représentants dans les quelque 2 000 intercommunalités existantes, qui détiennent désormais l’essentiel du pouvoir au plan local. Toutefois, il ne s’agit pas d’une élection spécifique, mais d’un « fléchage » des candidats au conseil communautaire, ceux-ci apparaissant dans une seconde colonne sur le même bulletin de vote. Le seul intérêt de cette réforme est de permettre l’introduction de la parité au niveau intercommunal et d’y laisser une plus large part à l’opposition, les sièges étant répartis selon le même système mi-majoritaire, mi-proportionnel que dans la commune.

Scrutin local, les municipales sont également un scrutin national. Ces 36 600 élections se déroulent le même jour et servent aussi à désigner les grands électeurs aux sénatoriales, dont le prochain renouvellement par moitié aura lieu en septembre. Des résultats du vote dépend donc en partie la future majorité du Sénat.

À cet enjeu électoral indirect s’en ajoute un troisième, plus politique, susceptible d’influer sur le gouvernement : première élection nationale depuis l’accession de François Hollande à l’Élysée, les municipales seront un test pour le gouvernement, au plus bas de sa popularité. En 2008, un an après l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, elles avaient remis en cause les équilibres de la présidentielle. Une vague rose avait permis au Parti socialiste de conquérir une quarantaine de villes de plus de 20 000 habitants, dont Toulouse, Amiens, Caen, Reims ou Metz. Et de s’affirmer comme un pouvoir local.

« Conserver ces villes conquises en 2008 » , c’est l’objectif principal assigné au PS par Harlem Désir. Avec Marseille, dont la conquête serait susceptible de faire oublier la perte de plusieurs communes moyennes, comme en 2001, lorsque les prises de Paris et de Lyon avaient occulté un recul du PS annonciateur du 21 avril 2002.

A contrario, l’UMP appelle depuis des mois les électeurs à sanctionner le gouvernement en portant ses listes à la direction des ­mairies. Mais rares sont ses dirigeants à imaginer une vague bleue, et les affaires judiciaires visant Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy ou ses proches ne risquent pas d’inverser la tendance. D’abord, parce que la forte présence du FN risque de capter une part importante de l’électorat de droite radicalisé. Ensuite, parce que le maintien des listes d’extrême droite au second tour (dans 225 villes en 1995) devrait amortir le recul du PS.

Ce dernier craint beaucoup plus l’abstention de l’électorat de gauche, démobilisé et tenté de sanctionner ainsi l’exécutif. Un électorat que Jean-Luc Mélenchon veut remobiliser sur des listes Front de gauche autonomes, clairement opposées aux politiques d’austérité. Le coprésident du Parti de gauche a appelé à faire des municipales des « élections nationales » . Mais son projet de donner ainsi corps à une «  opposition de gauche » a été affaibli par la stratégie à géométrie variable du Parti communiste.

Le score que feront ces listes, là où elles sont en concurrence avec le PS allié au PCF, sera à regarder de près. Ce sera, au même titre que le score des listes EELV, un des enjeux d’un scrutin qui n’en manque pas.

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