PIB et dépense publique

La dépense publique assure la moitié de la consommation finale.

Christophe Ramaux  • 13 mars 2014 abonné·es

Haro sur la dépense publique : c’est le leitmotiv des libéraux. Elle équivaut à 57 % du PIB, n’est-ce pas exorbitant ? Encore faut-il comprendre ce chiffre. Il ne signifie aucunement qu’il ne reste que 43 % pour la dépense privée. En fait, la dépense publique n’est pas une « part » du PIB. Le numérateur n’a rien à voir avec le dénominateur. Est-ce à dire que le chiffre de 57 % est faux ? Non : il donne à voir le degré de socialisation des économies, il facilite la lecture des évolutions dans le temps, des comparaisons entre pays. Mais il ne faut pas oublier qu’il sert à comparer la somme des diverses dépenses publiques avec une grandeur familière – le PIB – dont cette somme n’est pas une partie.

Précisons le propos. Le PIB (2 032 milliards en 2012) – c’est l’un des apports de cet indicateur – peut être lu de trois façons. Approche production : c’est la somme des valeurs ajoutées créées notamment par les sociétés non financières (1 018 Mds), les administrations publiques (333 Mds) et les ménages (345 Mds). Approche demande : c’est la somme des consommations finales (1 675 Mds), de l’investissement (402 Mds) et de la différence entre les exportations et les importations (- 45 Mds). Approche revenu : c’est la somme des salaires (en y incluant les cotisations sociales) (1 064 Mds) et des profits (540 Mds). La dépense publique (1 151 Mds) ne relève d’aucune de ces trois approches et c’est pourquoi elle n’est pas une part du PIB. Elle additionne toutes les dépenses réalisées par les administrations publiques (APU) : rémunération des salariés (268 Mds), consommations intermédiaires (114 Mds), intérêts de la dette publique (52 Mds), et surtout les diverses prestations et transferts (643 Mds) qui bénéficient aux ménages ou aux entreprises.

Partant de là, on peut mesurer son caractère éminemment précieux. La demande globale, par définition égale au PIB, est composée de deux volets : la consommation finale (80 %) et l’investissement (20 %). Côté consommation, que trouve-t-on ? Celle des ménages (1 130 Mds), laquelle est, pour une part non négligeable, soutenue par les prestations sociales en espèces (retraites, allocations-chômage et familiales, etc.) (404 Mds). Celle des administrations (503 Mds) : il s’agit des prestations sociales en nature (médicaments, consultation de médecine libérale, allocation logement…) (192 Mds), de la consommation de services publics individuels (éducation, hôpital, culture…) (136 Mds) et collectifs (police, justice, etc.) (175 Mds). Cette consommation des administrations sert bien finalement aux ménages. Au total, on peut estimer que la moitié de la consommation finale est « portée » par la dépense publique. Du côté de l’investissement, celui des administrations (64 Mds) représente un tiers de celui des sociétés non financières (197 Mds). Si on ajoute les transferts aux entreprises et les consommations intermédiaires (essence, fournitures) achetées à celles-ci par les APU, on aboutit bien à une dépense publique équivalente à plus de la moitié du PIB. Mais rien ne se perd. La moitié des débouchés est aussi supportée par elle ! On comprend ainsi pourquoi réduire la dépense publique, c’est aussi réduire le PIB.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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