Chomsky et moi, et moi, et moi…

Un doc formellement réussi mais un brin narcissique de Michel Gondry.

Jean-Claude Renard  • 1 mai 2014 abonné·es

Sur un cahier, une main dessine une table de travail et une caméra avalant un fil continu de dessins. En voix off, le réalisateur annonce son projet : filmer un entretien avec Noam Chomsky sans le mettre en image (le glissant parfois en vignette dans le coin du cadre) mais en associant son discours à des images d’animation, de sorte que le spectateur se retrouve face à une autre réalité, celle du dessin, avant d’être convaincu (ou pas) par le propos. Et d’ouvrir cette conversation par le plus lointain souvenir de Chomsky, quand, à un an, il refuse le porridge que sa tante veut lui faire avaler. C’est déjà un bambin têtu. Suivent d’autres souvenirs de jeunesse que précèdent l’évocation de la théorie de la réminiscence selon Platon, ses interrogations sur le langage et le monde, les mécanismes d’inspiration, son approche de la grammaire, de Newton et de Galilée…

Le dispositif formel est assurément original, tandis que le dialogue se veut vivant, parfois complexe. Mais Michel Gondry avance la conversation en interpellant son spectateur, livrant ses propres souvenirs d’école, ajoutant ses lectures personnelles, racontant son couple, jusqu’à demander à Chomsky son avis sur l’astrologie parce que sa compagne est fascinée par cette pratique. Soit une pensée de Chomsky vue par Gondry, dessinée par Gondry, filmée par Gondry. Qui évite, en toute fin, d’évoquer la polémique sur le soutien à Faurisson, au chapitre de l’atrocité des camps que dénonce le philosophe, après avoir souligné son attachement à la liberté de parole. La porte était pourtant bien ouverte. Là, Michel Gondry préfère couper court : « Revenons à des choses plus gaies. » Et choisit de parler des enfants. C’est évidemment plus gai.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes