Le sexe monte en scène

Sous forme de feuilleton, Pauline Sales et Fabrice Melquiot étudient la sexualité contemporaine.

Anaïs Heluin  • 5 juin 2014 abonné·es
Le sexe monte en scène
© **Docteur Camiski ou l’esprit du sexe** Épisode 1 : le 13 juin, au Préau, à Vire (14). Épisodes 1 et 2 : les 22 et 23 septembre au Préau, les 25 et 26 septembre au Fracas, à Montluçon (31), les 30 septembre et 1er octobre à la Comédie de l’Est de Colmar (68). En tournée pour toute la saison 2014-2015. Photo : Jean-Louis Fernandez

La saison dernière, quand Mathieu Bauer, le directeur du Nouveau Théâtre de Montreuil, lançait Une faille, nous notions l’émergence d’une nouvelle forme : le feuilleton théâtral (voir Politis n° 1221, du 4 octobre 2012). Mais, depuis, à part cette aventure montreuilloise qui vient d’achever sa deuxième saison, aucune création de ce type n’a fait parler d’elle. Sans doute en raison des moyens nécessaires. C’est du moins ce que laisse penser Docteur Camiski ou l’esprit du sexe, dont le premier épisode – le pilote – a été présenté lors de la 4e édition du festival Ambivalence(s) de la Comédie de Valence, du 23 au 27 mai. Initié par le Préau, Centre dramatique régional de Basse-Normandie-Vire, ce projet réunira des artistes de six centres dramatiques.

Autour du personnage récurrent du docteur Camiski, interprété par Vincent Garanger, codirecteur du Préau, des artistes permanents de ces structures seront mobilisés dans les six épisodes à venir. Ils prendront la suite d’Éric Massé, membre du collectif artistique de la Comédie de Valence qui, dans le premier épisode, partage la scène avec Vincent Garanger. À Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence, succéderont d’autres metteurs en scène dont les noms sont encore tenus secrets, suspense « feuilletonesque » oblige. Il n’est pas anodin que ce Docteur Camiski fasse ses premières armes à Valence. Depuis son arrivée à la tête de la Comédie, il y a trois ans, Richard Brunel et son collectif de huit artistes expérimentent diverses manières de faire du théâtre en partageant leur structure. Avec les habitants, grâce à la Comédie itinérante qui emmène le théâtre dans les communes rurales, ainsi qu’avec d’autres acteurs du milieu théâtral, Docteur Camiski relève de cette approche. «   Ça se passe à Tours, mais ça pourrait se passer à Colmar, Poitiers, Saint-Étienne, Valence ou Vire »  : si l’originalité du mode de production de Docteur Camiski n’est pas thématisée dans le feuilleton, cette phrase livrée en voix off avant le début de l’épisode en rappelle l’existence. Et le duo Vincent Garanger-Éric Massé s’inscrit d’emblée dans une démarche de mutualisation. Des moyens financiers et artistiques, mais aussi philosophiques, psychologiques, sociologiques, etc. Bref, tout ce qui entre en jeu dans une étude de la sexualité contemporaine. C’est ce qu’ont voulu réaliser Pauline Sales et Fabrice Melquiot, les deux auteurs de la série, qui ont travaillé pour l’occasion avec la psychologue, sexologue et thérapeute de couple Michelle Boiron. Il faut bien le dire, ce premier épisode est aussi prometteur que déceptif. D’abord froid, inexpressif, puis gagné par le doute et l’hystérie, le docteur Camiski semble assez complexe pour porter les épisodes à venir. Yann Delay, chanteur de variétés français, n’est, lui, qu’une caricature de star, persuadé que tout lui est dû : l’argent, les femmes, le respect. Éric Massé lui prête sa physionomie de beau brun faussement ténébreux, mais a tendance à trop enfler l’ego déjà surdimensionné de son personnage. Et les quarante-cinq minutes de ce premier volet ne suffisent pas à donner une vraie crédibilité au trouble sexuel du chanteur.

À force de remplir son lit de groupies interchangeables, Yann Delay est atteint d’impuissance. Il compte sur le docteur Camiski pour retrouver sa virilité, mais reproduit avec celui-ci les comportements qui ont sans doute causé son mal. Il tente de lui acheter son labrador, sa maison, son amitié… Le tout dans un flux de paroles auquel il n’aurait pas manqué grand-chose pour opérer. Un brin de nuances et peut-être quelques minutes supplémentaires. On en ressort avec la hâte de voir si la seconde patiente de Camiski, une « religieuse (trop) comblée par Dieu », aura davantage à nous dire sur le sexe. C’est déjà une réussite, pour un début de série.

Théâtre
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