« Attacher des droits à la personne et non à ses contrats de travail »
En quoi les intermittents peuvent-ils servir de modèle à tous les précaires ? Denis Gravouil et Samuel Churin réfléchissent au sens du travail et de la protection sociale à l’heure de la crise du salariat.
dans l’hebdo N° 1313-1315 Acheter ce numéro

© CITIZENSIDE/NICOLAS LIPONNE
L’intermittence est-elle un régime adapté aux seuls métiers du spectacle ? Ou une continuité des droits pour une discontinuité de l’emploi pourrait-elle concerner d’autres catégories professionnelles ? L’intermittence est-elle un volet du dossier sur la refonte de la protection sociale ? Ou les intermittents sont-ils les pionniers d’un nouveau modèle dans une société où le plein-emploi a disparu ? L’opposition historique entre la CGT Spectacle, qui défendait l’intermittence pour les professions du spectacle mais la permanence pour tous, et la Coordination des intermittents et précaires, qui défendait l’intermittence pour tous, a évolué vers un combat commun pour de nouveaux droits sociaux adaptés aux manières de travailler en 2014. Mais les nuances sont restées. Débat entre Denis Gravouil, de la CGT Spectacle, et Samuel Churin, de la Coordination, entre résistance et utopie.
2014 marque une nouvelle étape dans la lutte des intermittents pour la défense de leur régime. Qu’est-ce qui a changé depuis 2003 ?
Denis Gravouil : La situation est plus grave qu’en 2003, mais tout le monde a mûri dans la lutte. Un immense travail a été accompli. Nous avons des propositions très étayées et avons construit une unité solide. Et, dans tout type de débat, la réflexion atteint des niveaux très intéressants. Partout sur le territoire on sent une véritable intelligence à trouver une forme de lutte qui ne soit pas suicidaire. Le choix ne se limite pas à la grève générale ou rien. Des quantités d’actions sont possibles.
Samuel Churin : Placer la lutte des intermittents sur le terrain de l’assurance chômage et des droits sociaux, et non pas sur le terrain culturel, est une idée qui a progressé depuis 2003. Nous n’avons jamais été aussi nombreux. Nous sommes mieux entendus, notamment par la presse. Une nouvelle convention sur l’assurance chômage vient d’être signée : il faut reprendre l’offensive. On nous parle de table de négociations ? Nous sommes très contents d’apprendre que les intermittents font désormais partie du paritarisme. Voici des années que l’on demande que l’Unédic soit gérée autrement et soit ouverte. Que cette concertation fasse jurisprudence ! Qu’il n’y ait plus de négociations sans ouverture aux premiers concernés. Les experts de l’Unédic se sont toujours trompés. Il faudrait imposer que plus aucun chiffre ne sorte sans avoir été validé par les nôtres.
Pourquoi dites-vous que les experts de l’Unédic se sont toujours trompés ?
S. C. : Les experts de l’Unédic sont au service du Medef. Trois exemples. L’accord de 2003 a été vendu par l’Unédic au motif qu’il engendrerait 30 % d’économies. En réalité, cet accord génère 30 % de surcoûts, qui sont compensés par des ruptures de droits – des intermittents n’ont pas réussi à faire leurs heures dans le temps imparti. Donc cet accord ne génère aucune économie et engendre 70 % de précarité en plus. Ensuite, en 2004, le comité de suivi des intermittents a présenté ses contre-propositions, dont celle de
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