Un droit international sans cesse bafoué

Dix ans après la condamnation du mur de séparation et de la colonisation par la Cour internationale de justice, il est temps de passer au boycott.

Imen Habib (Agence Media Palestine)  et  Anne Spagnoli  • 10 juillet 2014 abonnés
Un droit international sans cesse bafoué
© **Imen Habib** , animatrice de la campagne BDS France, et **Anne Spagnoli** , pour la campagne BDS Suisse. Photo : AFP PHOTO/ MUSA AL SHAER

Le 9 juillet 2004, à la demande de l’Assemblée générale des Nations unies, la Cour internationale de justice (CIJ) rendait un avis sur le mur construit par Israël en territoire palestinien. La Cour déclarait que «   l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, construit dans le territoire palestinien occupé, est contraire au droit international   », et que le régime d’exception qui lui est associé l’est également, tout comme les colonies israéliennes de peuplement. Elle stipulait aussi l’obligation de la communauté internationale à faire respecter le droit international par des actions concrètes.

Un an plus tard, au vu de l’absence de toute mesure tangible de la communauté internationale pour faire respecter l’avis de droit, 170 associations de la société civile palestinienne ont lancé la campagne BDS : boycott, désinvestissement et sanctions contre l’État d’Israël, jusqu’à ce qu’il se conforme au droit. Cette campagne fixe des objectifs relevant du droit international : la fin de l’occupation, la disparition du mur et l’arrêt du blocus de Gaza ; l’égalité pour les citoyens palestiniens d’Israël ; le droit au retour des réfugiés palestiniens. Elle en appelle au civisme des citoyens du monde entier pour qu’ils exercent des pressions pour contraindre leurs États respectifs à mettre en œuvre les obligations juridiques qui leur incombent, à l’image de celles qui avaient contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Depuis lors, la situation n’a cessé d’empirer pour les Palestiniens. Non seulement l’État d’Israël est resté sourd à toute recommandation de la CIJ, mais il a également continué la construction du mur et intensifié sa politique de répression, de harcèlement, d’arrestations et de dépossession des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem. À la population de Gaza régulièrement bombardée, Israël impose un blocus insupportable depuis 2007, et toute tentative de le mettre en échec est violemment réprimée par Israël, malgré son illégalité. En Israël même, les mesures anti-palestiniennes ont été durcies au point que des pans de plus en plus larges de l’opinion publique rejoignent l’analyse qui les qualifie de « politique d’apartheid », selon la définition donnée par l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. En Europe, la campagne BDS se décline sur les terrains économique, sportif, universitaire et culturel, avec en ligne de mire les initiatives sponsorisées par Israël afin de se blanchir de ses crimes. Les entreprises complices de la politique israélienne sont visées, à commencer par celles qui commercialisent des produits issus de la colonisation : Carrefour ou Sephora en France, et Migros ou Coop en Suisse. En France, on peut aussi citer Orange, du fait de son partenariat avec l’entreprise israélienne Partner Communications, laquelle installe des antennes sur des terres confisquées aux Palestiniens, au seul bénéfice de l’armée ou des colons. On peut également signaler l’armée suisse, en partenariat avec l’entreprise israélienne Elbit, qui fabrique des drones préalablement testés sur les populations civiles palestiniennes.

Ces pressions citoyennes ont fait subir des pertes à des entreprises, israéliennes (Agrexco, Mekorot, Sodastream…) et européennes (Alstom, Veolia, Dexia, G4S…). Dans la foulée, 17 pays européens, dont la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie et la Belgique, ont récemment incité leurs entreprises à respecter les « lignes directrices » de l’Union européenne visant à proscrire tout financement et toute subvention au profit des colonies. Bien qu’insuffisant, c’est un premier pas dans la bonne direction. La dépossession du peuple palestinien représente le plus long conflit colonial contemporain. Il est temps d’y mettre fin, pour le respect de ses droits, pour le respect du droit international en général, et pour qu’un vivre ensemble, dans l’égalité et la justice, progresse dans le monde entier. Il est grand temps d’abattre le mur. Il est plus que temps de boycotter, de désinvestir et de sanctionner l’État israélien, jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international.

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