Hollande, Sarko et la Ve République

En trois actes, MM. Valls, Hollande et Sarkozy nous ont montré ce qu’était la Ve République : un théâtre de vanités étranger à la démocratie.

Denis Sieffert  • 25 septembre 2014 abonné·es

La semaine avait déjà été éprouvante. Il nous avait fallu supporter le discours bravache de Manuel Valls à l’Assemblée (« Gouverner, c’est tenir »), puis assister à l’exercice de contrition d’un président de la République qui n’est plus sûr de rien, mais qui continue son bonhomme de chemin, non plus pour « inverser la courbe du chômage », ni même pour résorber les déficits, mais tout simplement parce que les institutions lui permettent de continuer. Ce qui, on en conviendra, n’est pas très excitant pour les citoyens que nous sommes. Cela faisait déjà beaucoup. Hélas, la semaine n’était pas terminée. Et le pire était encore à venir. Non pas le pire politiquement – en cette matière, j’ai renoncé à établir des hiérarchies – mais le pire des spectacles.

L’imminence du « retour » de Nicolas Sarkozy ne m’avait pourtant pas échappée, mais j’avais dû oublier à quel point le personnage est insupportable. Il nous est donc revenu tel qu’en lui-même, non pas inchangé, mais aggravé. Perclus de manies oratoires. Avec cette façon de retourner la question au journaliste : « Est-ce que vous croyez vraiment, Monsieur Machin, que si j’avais quelque chose à me reprocher je reviendrais ? » On aurait rêvé que son interlocuteur lui réponde : « Oui, je le crois, et je crois même que c’est, entre autres raisons, pour échapper à la justice que vous revenez. » Nous sommes restés avec notre rêve. Et Nicolas Sarkozy a pu se livrer au plus étonnant festival de bluffs politiques qu’il nous ait été donné de voir. Le personnage a l’aplomb d’un bonimenteur en démonstration dans un centre commercial. Il en a la rhétorique. Il en a le talent. Et le voilà qui nous refait le coup du détachant qui efface tout, même le passé ! Dans tout cela, évidemment, pas une once de politique. Il sera centriste ; il sera de droite ; il sera d’extrême droite. Les Français verront bien ! L’aventurier ne doute pas un instant que la France piaffe d’impatience de le voir revenir. Et quel mépris pour ses rivaux au sein de la droite ! Juppé ? « J’aurais besoin de lui. » Fillon ? « J’aurais besoin de lui. » De simples outils entre les mains de l’homme providentiel.

On ne sait au terme de cet affligeant spectacle qui est le plus blâmable, du revenant qui nous rejoue ad nauseam la même comédie, ou de la télévision de service public qui a bouleversé l’ordonnancement de son journal télévisé pour accorder trois quarts d’heure, au moment de la plus forte écoute, pour une opération de cet acabit. Mais, à quelque chose malheur est bon. Et finalement MM. Valls, Hollande et Sarkozy, dans l’ordre d’entrée en scène, auront, à leur manière, et sans doute à leur insu, nourri la réflexion des Français. En trois actes, ils nous auront montré, jusqu’à la caricature, ce qu’était la Ve République. Ou ce qu’elle était devenue. Indifférente à nos concitoyens, sourde aux problèmes sociaux. Un théâtre des vanités étranger à la démocratie. Les deux premiers ont résolu de ne pas bouger en dépit de l’évidence de leur échec. Le dernier ne bouge pas non plus, mais il s’agite, sans rien nous dire de ses projets, ni même quelle sera cette fois la couleur du caméléon. Et qu’importe, puisque dans cette monarchie républicaine décadente le peuple est censé se donner à un personnage qui fera ensuite de sa confiance ce que bon lui semble. On ne pouvait pas mieux introduire la problématique de la VIe République, qui fait notre une cette semaine. Autant le dire tout de suite – cela s’est déjà vu en quelques circonstances –, je ne suis pas un mélenchonien inconditionnel. L’Ukraine, le Tibet, et quelques autres sujets d’importance m’ont parfois sérieusement éloigné de lui. Sans compter des emportements que je trouve parfois excessifs avec ses partenaires politiques les plus proches. Et il peut y avoir débat aussi à propos de l’approche des questions religieuses, par exemple.

Mais je dis cela à l’instant pour mieux souligner la richesse de l’entretien qu’il nous a accordé cette semaine. On retrouve là le meilleur Mélenchon, celui de la campagne présidentielle. Le mouvement qu’il tente d’initier pour une Constituante doit être regardé sans préjugé, et sans esprit polémique. L’objet politique « absolument neuf » qu’il nous propose nous intéresse. Il n’est d’ailleurs pas si neuf que cela, et Mélenchon le sait bien. En 1789, en 1848, en 1871, et beaucoup plus près de nous, en 1945, la France s’est sortie des plus grandes crises en se dotant d’assemblées chargées d’écrire de nouvelles constitutions. Et cela n’a pas toujours permis de donner réellement la parole au peuple, sinon à l’occasion de référendums destinés à valider après coup l’œuvre des constituants. Avec toute l’ambiguïté du référendum. Mais dans l’affaire qui nous occupe, c’est le mouvement qui importe, la mobilisation. C’est un combat qui vaut la peine d’être mené, sans exclusive de tous les autres, et de toutes les autres formes de rassemblement au sein de ce que nous appelons la gauche sociale et écologiste.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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