Des guillemets pour l’éternité

Le repos dominical ne sera bientôt plus qu’un souvenir paléomarxiste.

Sébastien Fontenelle  • 18 décembre 2014 abonné·es
Des guillemets pour l’éternité

Je voudrais faire mon mea culpa. (Ce n’est pas que ça me réjouisse, mais bon : soyons beau joueur, comme disait Vito Corleone.) Mille fois j’ai narré ici que les « socialistes » from outter Solférino (SFOS) étaient de droite, et qu’il n’était par conséquent pas du tout anodin de leur donner de la voix dans les scrutins où ils la briguent [^2]. Or : je m’ai trompé. Car il arrive encore – c’est ce qui m’avait échappé – que les SFOS réagissent en authentiques militant(e)s de gauche – et qu’ils aillent même contre les menées de M. Hollande et de ses ministres, qui sont pourtant de leur sérail. Récemment, par exemple, M. Macron, ministre de l’Économie, et M. Valls – qu’on ne présente plus – ont fabriqué une loi prévoyant que le repos dominical des salarié(e)s françai(se)s ne sera bientôt plus qu’un souvenir paléomarxiste, et que les magasins ouvriront désormais, et dans un premier temps, douze dimanches par an (ou mourir).

Et dans l’instant, et tout au rebours d’une quelconque veulerie, le Parti socialiste – auquel j’ôte pour le coup ses guillemets, car il a été là d’une absolue dignité – a balancé dans le vaste monde un communiqué furibond pour gueuler que cette « ouverture des magasins le dimanche » serait tout à la fois « néfaste pour les salariés » et « inutile pour le consommateur ». Extraits : « Le Parti socialiste tient à réaffirmer son attachement au principe d’une interdiction du travail le dimanche. […]  Autoriser l’ouverture  […] des magasins  […] le dimanche serait lourd de menaces pour les droits des salariés, dont la liberté du consentement ne peut pas être vérifiée au cours de la relation de travail. En fait, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une manipulation visant à détricoter encore un peu plus le droit du travail et les protections des salariés en les privant du bénéfice d’une journée sanctuarisée hors du travail et de l’espace marchand. Une telle évolution aurait inéluctablement pour conséquence de contraindre, de fait, nombre de salariés à travailler le dimanche, contre leur volonté. Autoriser l’ouverture des magasins le dimanche constituerait également une rupture d’égalité injustifiable entre les commerçants : en effet, seules les grandes enseignes auraient en réalité la possibilité de faire travailler leurs salariés le dimanche. […]  Le Parti socialiste demande donc au président de la République de revenir à la raison et de renoncer à ce projet néfaste pour les salariés et inutile pour le consommateur, déjà largement soumis à la logique marchande consumériste. »

C’est magnifique, non ? Mais, hélas, ce communiqué – authentique – date de septembre 2007 : il s’agissait de la réaction du parti solférinique à des propos de M. Sarkozy, qui ambitionnait, comme MM. Macron et Valls, d’en finir avec le repos du dimanche. Mais quand, sept ans plus tard, M. Hollande reprend à son compte le même détricotage d’une conquête essentielle du salariat, les « socialistes », dont la veulerie défie décidément l’imagination, se tiennent coi(te)s – raison pour laquelle jamais plus nous ne leur ôterons leurs guillemets. 

[^2]: « L’hallucinante beauté de cette phrase me tire presque autant de larmes que la contemplation de la photo dédicacée de Nicolas Sarkozy qui est accrochée au-dessus de mon lit » (Jean d’Ormesson).

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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