Indémodable nounours

La peluche, qui se vend par millions chaque année, a plus d’un siècle. Mais pourquoi un plantigrade ? Portrait.

Claude-Marie Vadrot  • 18 décembre 2014 abonné·es
Indémodable nounours
© Photo : Delahaye / Photononstop / AFP

L’histoire veut qu’en 1902, en Allemagne, Richard Steiff ait suggéré à sa tante Margarete, créatrice de jouets, d’ajouter un ours à son catalogue après avoir été ému par un ourson du parc zoologique de Stuttgart. Richard Steiff savait-il alors qu’il révolutionnerait l’industrie du jouet ? Le prototype du premier nounours, aux bras sommairement articulés, trône en tout cas dès 1903 à la célèbre foire de Leipzig. L’animal est instantanément plébiscité par les enfants et leurs parents, assurant un succès commercial à la marque Steiff – qui existe toujours et a même un club de fans. En 1989, une peluche datant de 1926 se vend 55 000 livres dans une vente aux enchères anglaise. Et aujourd’hui encore, la marque fabrique des séries limitées pour collectionneurs, qui prennent de la valeur sans avoir connu les bras d’un enfant.

En France, le premier à se lancer dans l’aventure est Marcel Pintel, en 1921 : son jouet ne diffère des autres que par un sourire qui fait son succès auprès des parents. Dans les années 1970, sa petite entreprise conçoit l’ours Collargol, héros d’une émission télévisée pour les enfants. Il avait été précédé‚ dès 1960, par le Nounours de « Bonne nuit les petits ». Non content d’inviter au sommeil plusieurs générations d’enfants français, l’ours gentil et consolateur prendra définitivement place dans le Panthéon des jeunes enfants. Où il n’a jamais été détrôné.

D’où vient qu’en anglais un nounours ** se dise « Teady Bear » ? Cette fois, l’histoire met en scène Morris Michtom et sa femme, Rose, juifs russes émigrés aux États-Unis. En 1903, le couple est séduit par un ourson de dessin animé qui vient de connaître une gloire nationale. Le plantigrade a en effet été inventé pour glorifier le président Theodore Roosevelt, qui, quelques mois plus tôt, a refusé de tirer sur un ourson que des rabatteurs avaient mis au bout de son fusil à la fin d’une partie de chasse infructueuse dans le Mississipi. Pour rendre hommage à ce président ami des animaux, Morris Michtom et son épouse lui demandent donc l’autorisation d’appeler les ours en peluche qu’ils s’apprêtent à faire confectionner des « Teddy Bears ». Teddy étant le diminutif affectueux de Theodore. Fier de son geste de clémence, et fin communicant, Roosevelt accepte. Une chanson composée à la gloire des Teddy Bears sera même le refrain de la campagne électorale qui aboutit à sa réélection. Le sort sourit aussi à Rose et à Morris Michtom, qui feront fortune avec leur entreprise, la Ideal Novelty & Toys Cie, qui a fabriqué des ours en peluche jusqu’en 1984.

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