Un rap corrosif et déjanté

Le groupe sud-africain Die Antwoord revendique le mélange et vise l’universel.

Denis Constant-Martin  • 22 janvier 2015 abonné·es

Die Antwoord, c’est un trio composé de Ninja, Yolandi Vi$$er et DJ Hi-Tek. Die Antwoord, en afrikaans, signifie « la réponse ». Mais la réponse à quelle question ? « À tout ce que vous voulez », répond Ninja, pierre angulaire du groupe et réalisateur de la plupart de ses clips. Le trio s’est formé au Cap, ville cosmopolite, en 2008. Ses membres sont blancs, de différentes origines. Ils rappent en afrikaans, en anglais et en xhosa.

Deux axes traversent leur production : la proclamation d’une sud-africanité mélangée et la démystification de la supériorité blanche. Ninja, au début d’« Enter the Ninja » ( $O$, 2010), déclare : « Je représente la culture sud-africaine… Un tas de choses différentes… Les Noirs, les Blancs, les coloured, les Anglais, les Afrikaans, les Xhosas, les Zoulous… Je suis comme… tous ces différents groupes foutus [fucked into] en une seule personne. » Les paroles et les accents rappellent à l’envi que l’histoire de l’Afrique du Sud est une histoire de mélanges. Die Antwoord explose les parlers, ** évoque le sexe et la drogue, dynamite ce qui faisait le fondement du conservatisme afrikaner. Son art de la corrosion ne doit toutefois pas faire oublier sa créativité : un travail approfondi sur les rythmes, un jeu incessant sur les timbres électroniques et, peut-être avant tout, la qualité des images de ses clips. Plus ou moins réalistes au départ, ceux-ci ont évolué vers une forme d’abstraction inspirée par le travail du photographe Roger Ballen, plongeant dans un univers fantasy (au sens littéraire) qui ne recule pas devant l’horreur. Ce sont ces qualités qui ont fasciné un public non sud-africain. Le concert du Zénith de Paris se jouera à guichets fermés, mais les clips et leurs albums sont aisément accessibles sur la Toile. Ils valent au moins un détour.

Musique
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