Agroalimentaire : et si on changeait de culture ?

Aurélie Trouvé, ingénieure agronome et militante d’Attac, retrace l’essor de la finance dans l’agrobusiness.

Thierry Brun  • 12 mars 2015 abonné·es
Agroalimentaire : et si on changeait de culture ?
Le business est dans le pré , Aurélie Trouvé, Fayard, 218 p., 18 euros.

Ingénieure agronome, maître de conférences en économie et spécialiste des questions agricoles et alimentaires, Aurélie Trouvé fait partie de cette jeune génération de diplômés aguerris au militantisme. Lesquels grossissent les rangs des zadistes contre le barrage de Sivens et des opposants aux nombreux grands projets de l’agro-industrie, telle la ferme des 1 000 vaches.

L’auteure s’appuie sur quinze ans d’expériences professionnelles et associatives, notamment la coprésidence d’Attac, pour mettre en évidence les symptômes d’un modèle agricole en pleine dérive financière. L’alimentation et le climat sont désormais sous la coupe de la finance via un business agroalimentaire accusé de détériorer la biodiversité et de provoquer des dérèglements écologiques en ponctionnant toujours plus les ressources naturelles et fossiles, alors qu’il faudrait les épargner. Dans des exploitations de plus en plus grandes, on emploie une main-d’œuvre bon marché, voire illégale. Au sommet, des holdings agroalimentaires concentrent les activités de fournitures d’intrants, de production et de transformation. Elles sont détenues par des agriculteurs aux allures de grands patrons qui salarient des « agri-managers ». Surtout, à l’heure de la dérégulation et du libre jeu des marchés, tout est calculé pour atteindre des rendements optimaux. Les marchés agricoles internationaux sont manipulés par des multinationales, des négociants de toute sorte. Ces marchés « n’ont presque plus rien à voir avec l’état de l’offre et de la demande, ni avec les besoins à satisfaire dans le monde », estime Aurélie Trouvé.

Si le business domine l’industrie agroalimentaire, cette évolution est loin d’être souhaitée par les citoyens, ni même par les gouvernements, qui, tout en soutenant ce modèle, vantent aussi les bienfaits de l’agroécologie. La diversité des agricultures dans leurs territoires et le maintien des petites et moyennes exploitations sont régulièrement plébiscités, comme on l’a vu lors d’une consultation publique organisée par la Commission européenne en 2010. Et il est vrai aussi que l’agriculture familiale reste la principale forme d’agriculture dans le monde. Nous sommes donc coincés entre deux orientations contradictoires. Si l’Union européenne et les gouvernements optent pour des choix qui suscitent au mieux des agricultures à plusieurs vitesses, on constate que ceux qui dominent ce business n’ont pas réussi à imposer leurs valeurs. En témoignant des luttes et des alternatives, Aurélie Trouvé montre aussi que les agrobusinessmen n’ont pas gagné la bataille culturelle et intellectuelle qui se joue dans le pré.

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