Jean-Luc Mélenchon crache sur la tombe de Boris Nemtsov et sur la presse ne pensant pas comme lui

Claude-Marie Vadrot  • 8 mars 2015
Partager :

*Le signataire a hésité quelques jours avant de réagir aux élucubrations de Jean-Luc Mélenchon, pour ne pas céder à la colère…
*

Extraits du blog de monsieur Jean-Luc Mélenchon publié après l’exécution de Boris Nemtsov, extraits qui en disent long, comme le reste du texte, sur l’admiration du personnage pour Vladimir Poutine, sa méconnaissance de la situation des libertés en Russie, son ignorance de ce que vit ce peuple aussi admirable que trompé et son mépris pour les journalistes.

« Des flots d’encre sont aussitôt montes vers le ciel votivement offerts par tous les médias « éthiques et indépendants ». Le premier d’entre eux, Le Monde, a pieusement recopié, sans nuance ni recul la notice de l’ambassade des Etats Unis. Il a donc repeint Nemtsov aux couleurs du martyr de la démocratie(…) ne suffit-il pas qu’un homme ait été assassiné pour déplorer sa mort ? Non, bien sur ! L’apologie de Nemtsov, illustrissime inconnu avant son meurtre, fonctionne comme un piège à naïf pour créer une ambiance de « sadamisation » contre Poutine. « A-t-on encore le droit de s’opposer en Russie » me demande un journaliste qui ne connait rien à cette affaire ni à aucune autre concernant la Russie contemporaine (…) Ce gens là n’ont aucune subtilité. Et leurs enquêtes sont rondement menées depuis le bar de la rédaction ».

Tout le reste de cette diatribe, à l’exception du passage sur l’avocat Alexeï Navalny, qui est effectivement un nationaliste peu fréquentable, est de la même veine : il ne comprend rien aux drames qui se jouent en Russie depuis une bonne quinzaine d’années et il en profite pour nous vendre son admiration pour un homme fort et ses obsessions sur l’OTAN, les nazis ukrainiens, les Etats Unis ou la CIA. Avec, en filigrane, déjà exprimée auparavant, sa compréhension de la guerre que les Russes font subir aux Ukrainiens. Il n’a pas un mot pour signaler l’existence et le combat de l’un des rares médias libres du pays : Novaïa Gazeta , le journal dans lequel travaillait mon amie et consœur Anna Politovskaïa elle aussi assassinée, en 2006, en plein cœur de Moscou. Pas plus qu’il ne rappelle la mort de nombreux parlementaires, écologistes, militants ou hommes d’affaires assassinés ou battus à mort. Sans que la police et la justice ne trouvent les coupables. Quant il explique que la manifestation du 1er mars était prévue depuis longtemps, il oublie de signaler qu’elle avait été autorisée à condition qu’elle se déroule à 20 kilomètres du centre de la capitale et non pas prés du Kremlin là où l’hommage à Nemtsov a eu lieu…

Il ne vient pas à l’esprit de Jean-Luc Mélenchon que des journalistes ne considéraient pas Boris Nemtsov, tout comme les Russes malgré la censure, comme un « illustre inconnu ». Alors qu’il fut gouverneur de Nijni Novgorod, ministre de l’Energie, Vice-Premier ministre et depuis prés de 20 ans opposant de Poutine et défenseur de la démocratie dans des conditions difficiles. Lui reprocher la compagnie de Boris Eltsine dont il pourfendit les privatisations sauvage, c’est comme si l’on reprochait à Mélenchon d’avoir été pendant des années membre et représentant du Parti socialiste dans de nombreux conseils municipaux et assemblées parlementaires.

Les journalistes vilipendés comme d’habitude par le porte-parole du Parti de Gauche ont sur lui la supériorité de bien connaitre la Russie et d’avoir rencontré Nemtsov à de nombreuses reprises, d’avoir depuis des années parlé avec lui, de savoir qu’il n’était pas la marionnette et le méchant qu’il décrit. Avec une irresponsabilité qui le décrédibilise comme responsable politique. Ce qui, dans les mots comme dans les outrances ressemble aux discours de l’extrême droite.

Il est consternant qu’un homme qui se revendique d’être à la gauche de la gauche, ait éprouvé le besoin de cracher sur la tombe d’un homme assassiné, un homme qui était aussi un démocrate courageux. Mais, dans le fond c’est peut-être aussi logique que d’avoir mis en cause les militants Tibétains se défendant contre l’hégémonie et la répression chinoise…

{Comme les confrères qui ont, avec leurs sensibilité différentes, commenté l'assassinat de Boris Nemtsov, je connais bien la Russie où j'ai vécu une vingtaine d'années et où, quand j'ai un visa, je retourne souvent.} CMV
Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 4 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don