Le racisme, un délit comme un autre ?

L’injure et la haine raciale seront retirées de la loi sur la presse pour être intégrées au code pénal, malgré l’opposition des associations.

Erwan Manac'h  • 23 avril 2015 abonné·es
Le racisme, un délit comme un autre ?
© Photo : AFP PHOTO / THIERRY ANTOINE

Les associations antiracistes sont majoritairement réticentes sur le volet répressif du plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, présenté le 17 avril par Manuel Valls. Les infractions d’incitation à la haine raciale ou d’injure raciste vont désormais sortir du droit de la presse pour se fondre au code pénal, comme n’importe quel délit de droit commun. Conséquences : un délai de prescription rallongé et des sanctions plus lourdes, notamment sous forme de travaux d’intérêt général ou de « stage de citoyenneté ». « Il faut sortir de l’illusion sécuritaire, réagissait samedi Dominique Sopo, président de SOS Racisme. Lutter contre le racisme ne passe pas par une mise au pas constante de la société, mais par sa mobilisation. » Même inquiétude au Syndicat des avocats de France : « Nous sommes dans des affirmations de principe qui penchent toujours vers le répressif, juge Joëlle Vernet, avocate au barreau de Grenoble. Il faudrait pour commencer que le parquet poursuive les infractions de propos racistes, notamment lorsqu’elles mettent en cause des policiers. »

Des inquiétudes également liées au changement de procédure qu’implique cette réforme. La loi sur la presse exclut les comparutions immédiates et permet « un exercice de justice serein et pédagogique », estime la Ligue des droits de l’homme (LDH). Conditions qui ne seraient plus garanties par la procédure qui régit les délits du code pénal. « Un délit de racisme sera jugé entre deux affaires d’escroquerie et un cambriolage, s’inquiète Pierre Tartakowsky, président de la LDH, dans une tribune publiée sur le site de l’Obs. Quid, dans ces conditions, de la solennité pédagogique ? Les délits dont il est question – et que la loi de 1881 permet de réprimer – sont de nature complexe et ne sauraient être expédiés à la va-vite, au risque de malmener quelques libertés fondamentales. »

Une justice sévère et expéditive pourrait aussi favoriser, comme l’a montré le cas Dieudonné, la victimisation des accusés. Seules la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) se sont déclarées favorables au projet. Le plan prévoit par ailleurs 100 millions d’euros sur trois ans pour faire de la sensibilisation et accentuer le contrôle des dérives racistes sur Internet. Il s’appuie sur les associations antiracistes pour promouvoir un contre-discours sur le Web et organiser une campagne de communication.

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Les idées d’extrême droite arrivent à prendre sur des territoires de la Résistance »
Entretien 10 juin 2025 abonné·es

« Les idées d’extrême droite arrivent à prendre sur des territoires de la Résistance »

Alors que des groupuscules d’extrême droite annoncent un rassemblement discret à Châteaubriant, le collectif Réveillons la Résistance organise une contre-mobilisation citoyenne le 14 juin. Entretien avec une de ses militantes.
Par Juliette Heinzlef
Contre-manifestation antifasciste à Montargis : « Si jamais on se tait, tout est perdu »
Reportage 10 juin 2025 abonné·es

Contre-manifestation antifasciste à Montargis : « Si jamais on se tait, tout est perdu »

À Montargis, petite ville du Loiret, le calme habituel a laissé place à un front populaire. Le 9 juin 2025, un cortège de 4 000 personnes a défilé contre la tenue d’un meeting d’extrême droite rassemblant Marine Le Pen, Jordan Bardella, Viktor Orbán et Matteo Salvini.
Par Thomas Lefèvre
Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative
Justice 7 juin 2025

Mineurs non accompagnés : après la répression policière, la répression administrative

Après l’expulsion de la Gaîté lyrique en mars, 23 jeunes ont reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une répression vivement dénoncée par le collectif des jeunes du parc de Belleville. Vendredi 6 juin avaient lieu les premières audiences au tribunal administratif.
Par Élise Leclercq
Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis
Enquête 7 juin 2025 abonné·es

Collectif des jeunes de Belleville : deux personnes interpellées suite à une plainte de Némésis

Deux hommes ont été placés en garde à vue après des plaintes du collectif fémonationaliste, venues perturber un meeting organisé contre les OQTF. Dix jours après les faits, les témoins dénoncent la coopération entre les militantes d’extrême droite et la police lors des interpellations.
Par Pauline Migevant