Notre-Dame-des-Landes : Nantes-Atlantique, la bonne piste

Le rassemblement annuel des opposants, les 11 et 12 juillet, va se saisir d’une étude citoyenne qui montre que l’actuel aéroport peut couvrir les besoins à venir, réfutant la nécessité d’en bâtir un autre.

Patrick Piro  • 8 juillet 2015 abonné·es
Notre-Dame-des-Landes : Nantes-Atlantique, la bonne piste
© Photo : EVRARD / AFP

Pas d’autre solution qu’un aéroport neuf à Notre-Dame-des-Landes. Des années durant, le discours officiel a défendu ce projet comme une nécessité découlant des limites indépassables de l’actuel équipement de Nantes-Atlantique : croissance de sa fréquentation, piste inadaptée aux très gros porteurs, bruit généré par le survol de l’agglomération nantaise.

La poussée du trafic ? En 2004, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) prévoyait 75 000 mouvements commerciaux par an en 2010 : on en est à 48 000 en 2015. La piste ? Elle est aux normes, tout comme l’ensemble de l’aéroport, aux dires officiels. Le bruit ? Les mesures au sol, à Nantes, ne parviennent pas à identifier la contribution des avions, noyée dans l’ambiance urbaine. Il est en tout cas près de trois fois moindre que projeté il y a dix ans par la DGAC. C’est par un tel facteur qu’il faudrait diviser nombre d’estimations faites par ce service de l’État, conduisant à alourdir systématiquement la barque de Nantes-Atlantique. La DGAC calcule enfin qu’il en coûterait 825 millions d’euros pour mettre Nantes-Atlantique à niveau, soit l’équivalent du projet de Notre-Dame-des-Landes. Une réfection somptuaire : «   On reconstruirait le chenil des trois chiens de l’aéroport pour 600 000 euros   », ironise Ivan Fouquet. Non que cette étude manque de sérieux, convient Franco Fedele, «   mais quelle garantie d’indépendance et de neutralité apporte-t-elle   ? Comme l’a montré l’affaire du barrage de Sivens, ça ne serait pas le premier document officiel lourdement erroné.   »

Architectes, Ivan Fouquet et Franco Fedele font partie des initiateurs de l’Atelier citoyen, lancé en décembre 2014 pour apporter une contre-expertise et vérifier s’il y a moyen d’optimiser Nantes-Atlantique à moindre coût ^2. L’équipe s’est attaquée à toutes les questions : aérogare, piste, trajectoires, bruit, mais aussi économie, emplois, finance, transports en commun et urbanisme. «   Au fur et à mesure, notre démarche, positive, a rallié des contributeurs nouveaux, éloignés du militantisme anti-aéroport   », souligne Thierry Masson, fondateur du Collectif de pilotes doutant de la pertinence du projet de Notre-Dame-des-Landes. Avec des compétences difficilement contestables, comme cet ancien technicien qui a travaillé près de trente ans à l’entretien de la piste de Nantes-Atlantique, ces chefs d’entreprise ou ces informateurs qui ont fourni au collectif des documents confidentiels concernant l’appel d’offres de Notre-Dame-des-Landes.

Remise mi-juin, l’expertise citoyenne de Nantes-Atlantique accuse : les documents officiels présentent «   des manipulations grossières pour programmer l’obsolescence de cet aéroport   », une stratégie visant à le laisser «   devenir inadapté pour montrer la nécessité d’un nouvel équipement   ». L’aérogare est devenue «   un vrai labyrinthe   » en raison de l’ajout d’appendices dans l’attente de l’hypothétique transfert. La desserte ferrée a été laissée en jachère. La piste nécessite des travaux de réfection, etc. «   En dépit d’un potentiel équivalent, Nantes n’a bénéficié d’aucun des aménagements obtenus sans difficulté à Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lille, Lyon ou Toulouse   », constate Thierry Masson. Ainsi, moyennant une station radar adaptée et une simple révision des plans d’approche, l’impact du bruit des avions pourrait être réduit de 30 %. Le coût de réfection de la piste : 25 millions d’euros contre 378 millions dans l’étude officielle, qui prévoit de tout casser et d’interrompre le trafic pendant trois à six mois.

Le groupe « économie et emplois » de l’Atelier citoyen s’est penché sur les conséquences sociales d’un déménagement de Nantes-Atlantique. Les élus du secteur ont reçu un courrier avant les élections départementales. «   Ils n’ont visiblement pas travaillé le dossier, on a l’impression d’en savoir plus qu’eux, qui entendent parler du déménagement depuis plus de vingt ans, s’étonne Brigitte Heridel, conseillère municipale EELV à Vertou. La plupart se contentent du discours officiel promettant que le transfert s’accompagnera de nouveaux emplois par le développement du pôle industriel et technologique local.   » Or, ce dernier est fortement structuré par la présence du site d’usinage d’Airbus, qui dépend de l’aéroport pour ses échanges avec les autres établissements de l’entreprise. La piste serait certes maintenue en service, mais quelles collectivités accepteront de l’entretenir pour le compte de l’industriel ?

«   On est dans l’incohérence manifeste, estime Brigitte Heridel. Et rien ne nous garantit qu’Airbus resterait. Il est inquiétant que les décideurs politiques locaux ne s’en soucient pas plus.   » Par ailleurs, Nantes-Atlantique, qui fait vivre tout ou partie de 85 établissements (soit près de 2 000 emplois directs en 2010), est la seule zone industrielle d’importance en Sud-Loire. «   Un déménagement accentuerait encore le déséquilibre territorial, et difficile d’imaginer que les salariés iront facilement à Notre-Dame-des-Landes [^3] », souligne l’élue.

Après avoir rallié contre lui des paysans, des zadistes, des militants de toute la France, des élus, des juristes, des naturalistes, des professionnels de l’aéronautique, le projet de nouvel aéroport vient de s’aliéner des acteurs inattendus : les sections CGT du département (44) et de la Région (Pays-de-la-Loire). Début avril, le syndicat publiait onze pages d’analyse d’une teneur très proche de celle de l’Atelier citoyen. Déplorant l’occultation du volet social du projet de transfert et le refus de réponses de la part de l’État et de Vinci (concessionnaire pour Notre-Dame-des-Landes), la CGT conclut que «   le maintien de l’aéroport sur le site actuel avec toutes les améliorations nécessaires en termes de sécurité, de conditions de travail, d’accès et d’usage présente davantage d’atouts que la construction du nouvel aéroport   ».

Les 11 et 12 juillet, le rassemblement annuel des opposants ne manquera pas de se saisir des travaux de l’Atelier citoyen. Le document peut-il influencer le tribunal administratif de Nantes ? Il doit se prononcer le 17 juillet sur les requêtes en annulation de cinq arrêtés préfectoraux donnant le feu vert au projet de Notre-Dame-des-Landes. Mais, quel que soit le délibéré, ce ne sera pas le bout du chemin judiciaire. Et les opposants s’apprêtent à repartir à l’assaut des politiques lors des élections régionales de décembre prochain. «   Nos travaux remettent clairement en cause la déclaration d’utilité publique du projet et la politique d’aménagement du territoire   », estime Franco Fedele.

[^2]: www.ateliercitoyen.org. 

[^3]: À 45 km au Nord de Nantes.

Écologie
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