Tsipras face au jugement des urnes

Le leader de Syriza risque de payer, dimanche, la ratification du mémorandum du 13 juillet. Correspondance Angélique Kourounis.

Angélique Kourounis  • 16 septembre 2015 abonné·es
Tsipras face au jugement des urnes
© Photo : GOULIAMAKI/AFP

Cravate bleue satinée d’un côté, chemise blanche toute simple de l’autre, Vangelis Meïmarakis, chef de l’opposition conservatrice, et Alexis Tsipras, ex-Premier ministre de la gauche radicale, ont croisé le fer pendant plus de deux heures, lundi, dans un débat télévisé retransmis en direct et qui se voulait décisif pour cette campagne électorale.

Vangelis Meïmarakis, 61 ans, dont quarante au service du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie, a le vent en poupe. Avec environ 24 % d’intentions de vote, il est, selon les sondages, au coude-à-coude avec son rival de Syriza. Un miracle si l’on se rappelle la dégelée électorale du 25 janvier dernier. Mais son aspect rassurant, son ton jovial et sa bonhomie légendaire, le tout sur fond de troisième mémorandum d’austérité, ont ramené dans son camp une partie des conservateurs égarés dans les rangs des partis néonazi Aube dorée ou centriste de To Potami. Aussi, ce lundi, il n’a cessé de tacler son adversaire : « Citez-moi une mesure qui a créé ne serait-ce qu’un seul emploi ! » Alexis Tsipras l’attendait au tournant : « Nous nous sommes battus comme jamais personne ne s’est battu contre les créanciers, ce que vous n’avez jamais fait. Nous avons ramené le meilleur accord possible qui financera le pays non pas pour les six mois à venir comme vous l’aviez négocié, mais pour les trois ans à venir, et nous avons mis sur le tapis la discussion de la dette. Maintenant, nous allons, si le peuple grec le veut, faire redémarrer le pays. » Conscient qu’il a très peu de chance d’obtenir une majorité absolue, Vangelis Meïmarakis, président du parti conservateur par accident à la suite de la démission d’Antonis Samaras, a appelé à un gouvernement de large coalition avec Syriza, proposition immédiatement rejetée, en direct, par Tsipras : « Si nécessaire, nous ferons une coalition, mais pas une coalition contre-nature. » Autrement dit, pas question de s’allier avec la Nouvelle Démocratie, pour deux raisons au moins : cela serait un suicide politique personnel d’Alexis Tsipras, et cette alliance ne pourrait tenir plus de six mois.

Les deux hommes s’affrontent totalement sur les questions de migration, d’éducation, des investissements et des privatisations. De plus, Alexis Tsipras, qui croit toujours en une majorité absolue dimanche, met en doute les résultats des sondages publiés essentiellement dans la presse hostile à Syriza, un peu comme lors du référendum du 5 juillet dernier, où tous les médias donnaient le « oui » et le « non » très proches et où, finalement, le « non » l’a emporté avec plus de 62 %. Alexis Tsipras espère un sursaut. « En janvier, il ne nous manquait que deux sièges », remarque-t-on dans son entourage. Oui, mais en janvier il y avait une dynamique qui n’existe plus. « En janvier, on a voté Syriza par choix, par espoir, indique Odysseas Boudouris, électron libre de gauche et candidat Syriza dans la deuxième circonscription d’Athènes. Cette fois, on vote Syriza par défaut, et sans s’en vanter. »

Selon les sondages, les indécis sont 17 %, ils feront la différence. La plupart sont des électeurs de gauche – ceux de droite vont se mobiliser – qui se trouvent devant un dilemme de plus : risquer de faire revenir la droite ou revoter pour un parti qui évolue lentement mais sûrement vers une social-démocratie. À huit jours du scrutin, Kostas Papaioanou, 60 ans, employé de banque au chômage depuis deux ans, et sans aucun espoir de retrouver du travail, ne sait toujours pas pour qui voter. « Tsipras a droit comme les autres à l’erreur, dit-il. Je devrais voter pour lui, mais comment lui faire confiance après le retournement du référendum ? Je peux tout expliquer, tout comprendre, mais pas le rejet de ces 62,5 % de non. » Il se demande s’il ne va pas voter pour Unité populaire, un parti anti-austérité qui a fait sécession de Syriza et qui est crédité de 4 % d’intention de votes. Son épouse, Pélagie, 55 ans, architecte au chômage depuis trois ans, a décidé, elle, de voter pour les centristes de To Potami. « Ce sont les moins mauvais, concède-t-elle. Je ne fais aucune confiance à leur fondateur, Stavros Theodorakis, que je sais de mèche avec les médias vu qu’il a été journaliste vedette pendant des années, mais au moins, autour de lui, il y a des gens de valeur. Je mise sur eux. » Pour la première fois depuis le début de la crise, les créanciers ne sont pas inquiets du résultat de ce scrutin. Ils n’ont pas donné de consignes. Cette fois, le pays n’a pas eu droit au traditionnel « Votez européen » ni au paternaliste « Votez bien ». Les créanciers du pays ont réussi à geler la démocratie et à annihiler le vote des Grecs. Quel qu’il soit, le futur gouvernement sera l’exécuteur de leurs consignes…

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