Budget 2016 : pas de changement de cap !

Un creusement de la dette au service de la classe d’en face.

Liêm Hoang-Ngoc  • 28 octobre 2015 abonné·es

Le premier secrétaire du PS avait rassemblé au congrès de Poitiers une majorité sur un texte réclamant l’évaluation du CICE et la réorientation d’une partie des 41 milliards du pacte de responsabilité. L’analyse du budget 2016 indique qu’il n’y aura pas de changement de cap. L’horizon des 50 milliards d’euros de réduction de dépenses à l’horizon 2017 est maintenu : après les 17 milliards de coupes en 2015, ce sont 16 milliards de baisse des dépenses publiques (dont 7,4 milliards de dépenses sociales) qui interviendront en 2016. Certains frondeurs présents sur les listes socialistes aux régionales pouvaient encore espérer que ces coupes épargnent les collectivités. Leur calcul est déçu. Après que leurs dotations ont été réduites de 3,4 milliards d’euros en 2015, les régions verront de nouveau leurs marges de manœuvre budgétaires réduites de 3,7 milliards, contraignant les communes à relever encore leurs impôts locaux.

Cette ponction réduira les effets sur le pouvoir d’achat des 2 milliards d’euros de baisses d’impôts octroyés à 3 millions de ménages imposables modestes. Cette mesure contrebalancera-t-elle « l’oubli » de Jérôme Cahuzac, au début du mandat, d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, de même que l’impact des hausses de TVA en vigueur depuis 2013 pour financer le CICE ? Le jeu serait, in fine, à somme nulle. Il ne remplacera en aucun cas la réforme fiscale que le gouvernement vient à nouveau d’enterrer en méprisant la proposition de Jean-Marc Ayrault d’une CSG progressive. Les effets de cette politique budgétaire sur la courbe du chômage et la dette publique sont suspendus à deux hypothèses. La première est que le CICE et les baisses de cotisations sociales, en lien avec le pacte de responsabilité, finissent par produire leurs effets sur « l’offre », et que les entreprises se remettent à investir et à embaucher. La seconde suppose que le multiplicateur budgétaire soit négatif, autrement dit que la baisse des dépenses publiques provoque un effet positif sur la croissance (les agents économiques anticipant une décroissance de la dette et de futures baisses d’impôts se mettraient à dépenser). Rien n’assure la validité de ces hypothèses.

Premièrement, l’impact du CICE sur l’investissement et l’emploi reste marginal. Les taux de marge ont retrouvé leur niveau d’avant la crise, mais la part des bénéfices consacrés au versement de dividendes demeure prédominante. De plus, les carnets de commandes des entreprises restent vides compte tenu de la faiblesse de la demande dans la zone euro. Deuxièmement, la faiblesse de la croissance compromet la réalisation des prévisions sur lesquelles est construit le budget 2016. Les recettes fiscales sont anticipées sur la base d’une croissance de 1,5 %. Or, si celle-ci s’avérait plus faible, en raison de la fragilité des deux hypothèses de départ, l’objectif d’un déficit de 3,3 % du PIB serait compromis, et le ratio dette/PIB continuerait à tendre vers 100 %. Le « sérieux budgétaire » annoncé n’aura alors été qu’un leurre, dissimulant un creusement de la dette au service de la classe d’en face. La « fronde » est, quant à elle, en passe de se dégonfler. Lors du vote sur la partie recette de la loi de finance, seuls 18 frondeurs se sont abstenus, contre 39 l’an passé. Deux « sont allés pisser ». Un a voté contre. Entre-temps, un seul a eu le courage de quitter le groupe socialiste.

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