Beauté (pas si) classique

Les sœurs Caronni voyagent avec grâce dans le passé argentin.

Lorraine Soliman  • 25 novembre 2015 abonné·es

«C’est l’histoire de tous ces bateaux qui ont traversé l’océan », commente Laura Caronni pour introduire son admirable ode à la Terre Mère, le morceau « Pachamama » présent sur l’album Vuela (2013). Ces flots d’immigrants venus des quatre coins de l’Europe, aux XIXe et XXe siècles, pour implémenter un projet « civilisateur » selon lequel la modernisation de l’Argentine passerait par l’immigration. De cette histoire de sang-mêlé, les sœurs Caronni se sont emparées dès le plus jeune âge et la traduisent en musique à partir d’un socle classique transfiguré. L’une a choisi le violoncelle, l’autre la clarinette, deux instruments d’une fraternelle complicité sonore. À partir des musiques anciennes de leur pays, milongas, zambas, tangos, bagualas et chacareras du nord de l’Argentine, Laura et Gianna voyagent à travers le temps et l’espace, animées d’une nostalgie heureuse. Leur enfance à Rosario est radicalement musicale. Elles aiment jouer et improviser ensemble depuis toujours. Elles passent par le prestigieux théâtre Colón, à Buenos Aires, puis empruntent des chemins différents pour mieux se retrouver en France à la fin des années 1990.

C’est en 2004 que le duo des hermanas Caronni voit officiellement le jour. Navega Mundos est leur troisième album, trésor d’élégance et de délicatesse. Elles y jouent, elles y chantent (en espagnol, en français, en anglais), elles y rendent hommage (à leur mère, Beatriz Pell ; à leur mentor, Juan Carlos Cáceres, disparu en avril dernier), elles y partagent leurs passions hybrides et leur belle maîtrise instrumentale avec le grand maître du chamamé, Raúl Barboza. Sur scène, le charme naturel des jumelles emporte l’adhésion immédiate du public. Leur magnifique intelligence musicale lance un nouveau défi aux partisans de la classification stylistique.

Musique
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