Pourquoi nous avons besoin de vous

Pas de débats possibles sans alternatives, et pas de démocratie sans débats. L’existence d’une presse indépendante est donc un enjeu démocratique.

Denis Sieffert  • 4 novembre 2015 abonné·es

Nous n’aimons pas, à Politis, parler de nous. Si nous le faisons aujourd’hui, c’est qu’il y a nécessité, sinon urgence. Il s’agit bien sûr de l’avenir de notre journal, mais pas seulement. Il s’agit d’un principe que nous prétendons incarner, avec quelques autres, trop rares hélas : l’indépendance. En quelques mois, nous avons vu Libé, l’Express, après les Échos, et avant le Parisien, tomber aux mains d’une petite poignée de milliardaires qui conçoivent les journaux comme des vecteurs d’influence au service de leurs intérêts. Jamais en si peu de temps la presse française n’avait connu un tel phénomène de concentration. Et ce n’est pas fini !

La raison en est simple. La presse imprimée a besoin de financements pour opérer une mutation qui répond à de nouvelles habitudes de lecture, et compenser une baisse des recettes publicitaires. Un impératif de changement qui a fait des journaux des proies faciles. C’est à vil prix que ces nouveaux prédateurs s’en sont emparés. Mais, loin de leur permettre de se moderniser et de se renforcer, ils multiplient au contraire les plans de licenciements rendant toujours plus difficile le travail des journalistes. Ils ne font là que mettre en pratique leur vision de la société. Et s’ils sauvent des titres, c’est pour mieux les étouffer ou les soumettre. La qualité de l’information est évidemment le cadet de leur souci. Qu’ils aient fait fortune dans la téléphonie mobile, dans l’armement ou dans le luxe, ils sont étrangers au monde de la presse. Ils ont en commun d’être de purs produits du capitalisme financier. Leur mimétisme n’épargne aucun champ de l’actualité. Comment s’étonner ensuite qu’un seul discours envahisse l’espace public ? Notre échec serait leur victoire.

Si j’avais à donner une définition de notre journal, je dirais précisément que nous faisons partie de ceux, trop rares encore une fois, qui défendent l’idée qu’il y a toujours une alternative. Nous sommes les ennemis résolus de « Tina », le trop fameux « there is no alternative » de feu Margaret Thatcher. Il n’y a pas de débats possibles sans alternatives, et pas de démocratie sans débats. On peut donc affirmer que l’existence d’une presse indépendante est un enjeu démocratique. Si, depuis près de trente ans, Politis parvient à faire entendre une autre voix, sur le temps de travail, sur les retraites, sur les salaires, sur la répartition des richesses, sur la croissance, sur la dette grecque, sur l’immigration, sur l’environnement, sur l’Europe, et même sur le Proche-Orient, c’est que nous n’avons jamais eu à composer avec des intérêts commerciaux, ni à plaire à des annonceurs. Notre indépendance a toujours été jalousement gardée, que ce soit à l’époque de Bernard Langlois ou avec l’équipe actuelle. Aujourd’hui, c’est une association réunissant les salariés de Politis et des lecteurs élus en assemblée générale qui est notre actionnaire majoritaire. Dois-je ajouter que tous nos actionnaires partagent notre exigence d’indépendance ?

Nous sommes libres, totalement libres. Mais le système se venge. Politis est économiquement fragile. Pour faire face aux défis de la modernité, pour répondre à la demande de ses lecteurs et leur offrir la possibilité de nous lire à tout moment sur des supports mobiles, d’échanger entre eux et avec nous, pour être en mesure de produire une information de qualité sur le Net comme dans l’hebdomadaire, pour organiser les débats qui correspondent aux interrogations de notre époque, Politis a besoin de vous. Il nous faut les outils nécessaires pour endiguer une érosion rendue inéluctable par l’évolution des techniques et des habitudes de lecture. Voilà pourquoi, comme en 2006, mais pour de tout autres raisons, nous nous tournons vers vous, lecteurs et amis.

P.-S. : Nous sollicitons les dons par l’intermédiaire de l’association Presse et Pluralisme (voir page 11). Des dons plus importants sont possibles. Il est préférable alors d’entrer directement en relation avec moi (sieffert@politis.fr). Je profite de l’occasion pour remercier les nombreux amis, consœurs et confrères, ou artistes qui nous ont adressé des mots de soutien. Les premiers résultats, très encourageants, figurent en page 11.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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