« Le Pont des espions », de Spielberg : Au(x) service(s) du Bien

Le Pont des espions : une réflexion sur la justice et l’intégrité en pleine guerre froide. Un bon Spielberg.

Christophe Kantcheff  • 2 décembre 2015 abonné·es
« Le Pont des espions », de Spielberg : Au(x) service(s) du Bien
Le Pont des espions , Steven Spielberg, 2 h 21.
© 20th Century Fox 2015

Le Pont des espions fait partie de la veine non spectaculaire de Steven Spielberg, comme le Terminal (2004), où Tom Hanks tenait, comme ici, le rôle principal. C’est souvent la meilleure veine de ce cinéaste, dont l’œuvre, par ailleurs, est trop souvent surcotée. Certes, on retrouve dans le Pont des espions, qui se déroule en pleine guerre froide, dans les années 1950, les mêmes idéaux, sinon la même idéologie, qu’affectionne l’auteur de Minority Report. Steven Spielberg offre, par exemple, une figure héroïque au Bien, ici incarné par James Donovan, un avocat du droit des assurances que rien ne prédisposait à ce destin. Comme Schindler, auquel il est comparable sur plusieurs points, Donovan n’a pas a priori la vocation du bienfaiteur. Dans les premières minutes où il apparaît, on l’entend raisonner, au profit d’une compagnie d’assurances, cinq personnes renversées par une voiture, comptant à ses yeux pour un seul accident (et non cinq fois un accident). Mais il est brillant, et c’est pour cette raison que les autorités américaines le choisissent pour être le défenseur d’un espion soviétique arrêté, Rudolf Abel (Mark Rylance), qu’il lui faudra ensuite échanger contre des agents américains. Donovan va d’abord se révéler épris de justice, dernier rempart de la Constitution, quand les pressions exercées sur lui pour ne pas s’engager dans la défense d’Abel sont fortes. Là, Donovan apparaît comme l’avatar d’un Lincoln à hauteur d’homme, un Lincoln prosaïque et ancré dans la vie quand Spielberg, dans son film précédent consacré au seizième président des États-Unis, filmait celui-ci comme une statue.

Le face-à-face entre l’avocat et son client espion est passionnant, les deux étant des hommes de parole, fiables, solides dans leur intégrité. Le cinéaste n’édulcore pas le régime de l’Est (c’est le temps de la construction du Mur, en Allemagne, qu’il montre à l’écran), au contraire. Mais il ne manque pas de finesse en donnant ces qualités à Rudolf Abel. Quant à la partie d’échecs engagée pour l’échange, Donovan y reprend son raisonnement sur l’accident et les cinq blessés, mais en l’inversant au profit du « Bien », c’est-à-dire, en l’occurrence, de son pays. Il y aura bien un échange, mais plusieurs échangés de retour aux États-Unis, grâce à son habileté et à son talent de négociateur. Le Pont des espions est un film qui, sans niaiserie ni caricature, met en exergue l’intelligence et la droiture. Un bon Spielberg, incontestablement.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes