De Naples à Budapest, regards croisés sur l’immigration

[FIPA 2016] L’histoire belle d’une équipe de foot napolitaine tournée vers la régularisation de ses joueurs étrangers, celle plus cocasse d’un bureau hongrois.

Jean-Claude Renard  • 22 janvier 2016
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De Naples à Budapest, regards croisés sur l’immigration

Les ingrédients à faire l’histoire ou bien la raconter ne manquent pas dans Loro di Napoli (littéralement Ceux de Naples). Elle se déploie comme un meuble à tiroirs. Certains viennent de Côte d’Ivoire, du Cap Vert, d’autres du Sénégal ou du Brésil. La plupart des joueurs de l’Afro Napoli United sont des immigrés. Equipe hétéroclite s’il en est. Pas moins de quinze joueurs sur les vingt inscrits au club. Tous ont à peu près la vingtaine d’années. Sans permis de séjour, et en quête d’attestation de résidence. C’est le cas pour Maxime, Adam, ou Lello. L’équipe de foot de l’Afro Napoli est née en 2009, à deux pas de la place Garibaldi, et joue dans la périphérie de la capitale parthénopéenne. Une équipe portée par son entraîneur et son président, aussi tenaces sur le terrain que dans le champ administratif. Parce que l’identité du club repose d’abord sur l’intégration des joueurs, avec des dirigeants qui se chargent des régularisations nécessaires (pratiques assez courantes dans le milieu de foot, en France, voilà déjà plus de trente ans). On est à Naples, et plus qu’ailleurs peut-être en Italie, on a l’art de s’arranger. Pas seulement pour qu’ils puissent être autorisés à jouer, obtenir une licence, mais pour qu’ils vivent sereinement en Italie. Accédant au niveau fédéral, entraîneur et joueurs se devront de gagner le championnat. Pour l’honneur, par fierté, par solidarité. Pier Francesco Li Donni alterne les plans de Naples, dans l’ombre et la lumière du Vésuve, les moments d’entraînement, les terrains boueux et minables, filmant le foot comme rarement, c’est-à-dire du point de vue de l’entraîneur, s’attarde sur les longues démarches administratives, les logements flirtant avec l’insalubrité dans lesquels survivent les jeunes joueurs. Sans complaisance aucune.

Ce documentaire de Li Donni est à rapprocher de la fiction hongroise de Victor Oskkar Nagy, Hivatal (Bureau), plongeant à l’intérieur d’un établissement réservé à l’immigration. Un service dans lequel exerce une nouvelle recrue, Anna, confrontée à diverses situations, tantôt absurdes, kafkaïennes, tantôt engluées dans les impasses administratives, révélant en creux les pressions subies par les fonctionnaires. Sujet pour le moins actuel ! Et remarquablement mis en scène, recourant, autour du personnage d’Anna (Anna Fignar) à des acteurs non professionnels, certains d’entre eux interprétant leurs propres histoires, donnant ainsi, mais sans qu’on le sache, un supplément de réalisme dans ce quotidien tragi comique.

D’un genre à l’autre, ce sont donc là deux œuvres originales que les chaînes françaises seraient bien inspirées d’acquérir. C’est tout l’enjeu du Fipa.

Loro di Napoli, Pier Francesco Li Donni, 1h10. Hivatal, Victor Oskkar Nagy, 53 ‘.

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Temps de lecture : 3 minutes
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