La courbe du chômage va-t-elle s’inverser ?

La baisse du nombre de chômeurs en novembre est en trompe-l’œil.

Liêm Hoang-Ngoc  • 6 janvier 2016 abonné·es

La ministre du Travail semble satisfaite. Le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé de 0,1 % en novembre pour « redescendre » à 3 574 800. Au cours de ces trois derniers mois, malgré la forte hausse d’octobre, le chômage ne se serait accru « que » de 0,1 %, attestant d’une « stabilisation » laissant présager d’une inversion de la courbe en 2016. Cela sera-t-il le cas ?

Une lecture détaillée des chiffres du chômage donne des indications inquiétantes sur l’état du marché du travail. Le nombre total des chômeurs en France métropolitaine inscrits à Pôle emploi, soit 5 442 500 personnes fin novembre, reste en hausse de 5,1 % sur un an. Le chômage des jeunes ne se réduit que grâce à la multiplication des contrats aidés, alors que le chômage des seniors (accentué par le recul de l’âge de la retraite) et le chômage de longue durée poursuivent leur croissance.

Les variations de la catégorie A sont inversement concomitantes à celles des catégories B et C (demandeurs d’emploi ayant eu respectivement une activité de moins de 78 heures et de plus de 78 heures pendant le mois). Les catégories B et C incluent les travailleurs touchés par des fins de contrats courts, basculant le mois suivant en A s’ils ne retrouvent pas d’emploi. Ainsi s’explique la forte hausse des chiffres de la catégorie A du mois d’octobre (+ 0,9 %, soit 42 000 chômeurs supplémentaires), en parallèle à la baisse du nombre de chômeurs B et C. En novembre, les effectifs des catégories B et C ont d’ailleurs recommencé à gonfler, alors que la catégorie A se délestait légèrement des personnes ayant retrouvé un emploi, pour l’essentiel précaire. La baisse de novembre est donc en trompe-l’œil. Les fins de CDD, intervenues courant novembre et répertoriées dans les catégories B et C, basculeront ainsi en A en décembre.

Ces détails indiquent que le marché du travail est devenu particulièrement flexible, sans qu’il ait été nécessaire de modifier le code du travail. Quatre travailleurs sur dix changent d’emploi au cours de l’année. Et 82 % des emplois créés sont des CDD. Mais, dès lors que l’activité des entreprises se stabilise ou se développe, ces CDD sont transformés en CDI. Lesquels, restant la norme, représentent 87 % du stock d’emploi total (contre 10 % pour les CDD). Pour autant, l’emploi stable ne se développera qu’en présence d’une reprise de l’économie. Le gouvernement mise sur son pacte de responsabilité et sur un « assouplissement » du code du travail pour relancer l’économie par « l’offre ». Malheureusement, le crédit d’impôt compétitivité-emploi, octroyé aux entreprises sans contrepartie, ne produit toujours pas les effets annoncés sur l’investissement et l’emploi. Les marges des entreprises ont retrouvé leur niveau d’avant la crise. Mais 85 % des bénéfices restent distribués sous forme de dividendes. Les deux points de PIB transférés d’ici à 2017 en faveur des profits n’auront que marginalement été consacrés à l’investissement et à l’emploi. « L’assouplissement » du code du travail ne produira pour sa part aucun effet positif sur l’emploi, mais il affaiblira le travailleur dans son face-à-face avec l’employeur.

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