Le couple, quelle histoire !

Pascal Rambert raconte la guerre des sexes au temps de la Commune.

Gilles Costaz  • 3 février 2016 abonné·es
Le couple, quelle histoire !
Argument, T2G, Théâtre de Gennevilliers. Jusqu’au 13 février. Texte aux éditions Les Solitaires intempestifs.
© Marc Domage

Écrivain de l’élucidation des sentiments (Clôture de l’amour, Répétition), auteur à la splendide parole lyrique, Pascal Rambert a eu une bien étrange idée pour sa nouvelle pièce, Argument, qu’il met lui-même en scène à Gennevilliers : il fait un saut dans le passé et écrit un dialogue non pas historique, mais sur fond d’histoire.

Nous sommes au temps de la -Commune, en 1871. Dans une Normandie largement imaginaire, un couple s’affronte en présence de son enfant. Lui, en redingote, est un bourgeois conservateur, à cheval sur ses principes. Elle, en robe mousseuse et chamarrée, est une rêveuse, une femme de lettres qui défend sa condition. L’enfant, en costume de soldat, ne dit mot mais souffle parfois dans son -clairon ou tire quelques coups de feu avec ses jouets.

C’est une vraie guerre que se livrent les deux époux. Pêle-mêlant guerre des sexes, guerre de l’amour et de la haine. La femme en mourra et sera inhumée. Mais la passion ambivalente de l’homme est telle qu’il déterrera la défunte pour avoir avec elle un dernier duo, ultime affrontement.

Le monde passé où Pascal Rambert promène un regard de nature fantastique est tout à fait onirique, car on y meurt et on y ressuscite, et l’on y parle du monde futur où les femmes seront les égales de l’homme – la femme enfermée « dans un trou » toute sa vie étant l’un des thèmes principaux de la pièce.

Bien que les dialogues aient des moments d’éclat, des images brutales ou ciselées, le songe de l’auteur paraît souvent parodique. Est-on chez Balzac, Villiers de l’Isle-Adam, Ibsen ? Pourquoi, aujourd’hui, ce message féministe à la teneur romantique ?

La mise en scène, appuyée sur la scénographie évidée de Daniel Jeanneteau et les lumières noires et blanches d’Yves Godin, obtient un clair-obscur où les scènes sont voilées ou dévoilées selon les mouvements du brouillard et de la pluie. Les moments où l’obscurité est totale et où un texte est dit en voix off par Denis Podalydès sont sans doute les plus enveloppants. Pourtant, Marie-Sophie Ferdane et Laurent Poitrenaux projettent et distillent brillamment, dans un contraste tendu entre douceur et fureur, des répliques acrobatiques.

L’aventure que représente Argument a son audace et sa singularité, mais on ne voit pas où se situerait sa modernité.

Théâtre
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