Profession : rien à faire

La « placardisation » est encore peu étudiée, ou abordée sous un angle psychologique. Elle est pourtant, comme d’autres phénomènes de souffrance au travail, une conséquence des nouveaux modes de management.

Erwan Manac'h  et  Vanina Delmas  • 10 février 2016 abonné·es
Profession : rien à faire
© Illustration : Aurel

Vous pensez d’abord devenir paranoïaque. À cause des regards fuyants, des conversations qui semblent s’arrêter lorsque vous entrez dans une pièce et de cette désagréable impression que les portes se ferment autour de vous. Vient ensuite « la claque », assenée par un collègue qui a tout vu et se confesse à demi-mot. Puis ce constat : « Vous disparaissez ! »

Être « au placard » dans son entreprise, c’est vivre seul au quotidien face à son « ennui mortel ». Passer huit heures par jour derrière son bureau à chercher une occupation ou à compter chaque minute. Et cela peut avoir des conséquences psychologiques irrémédiables. Stress, fatigue, déprime… Les symptômes du « bore-out » (de l’anglais « s’ennuyer ») ressemblent à ceux du burn-out, qui désigne l’épuisement lié à la suractivité. Si, la plupart du temps, la mise au placard résulte d’une décision de management, la victime remet instantanément en cause ses compétences professionnelles et humaines. « L’employeur donne de moins en moins de missions, puis il se sert de cet argument pour dire que le travail est mal fait et ne plus rien donner du tout, explique Marie Pezé, docteure en psycho-logie. Or, le travail est central pour construire son identité. Une placardisation renvoie une image humiliante de soi jusqu’à conduire au repli social et à la dépression. »

Émilie [^1], institutrice dans un petit village d’outre-mer, est devenue la bête noire de son école il y a cinq ans, après avoir avoué ses difficultés face à une classe à problèmes. « J’étais mise à l’écart par mes collègues, exclue des projets et des conversations, raconte-t-elle. Il y avait des rumeurs incessantes sur moi, ma vie privée, mon activité syndicale. » Mutée dans un autre village, elle pense

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Temps de lecture : 9 minutes