Une baisse du chômage trop belle pour être vraie

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 26 février 2016
Partager :
Une baisse du chômage trop belle pour être vraie
© Photo : AFP / DOMINIQUE FAGET - Myriam El Khomri s'est rendue dans une agence Pôle Emploi de Saint-Ouen, à Paris, le 26 février 2016.

À peine les chiffres étaient-ils tombés ce mercredi qu’une «inhabituelle» baisse du chômage était annoncée : le nombre de chômeurs aurait diminué de 27.900 personnes en métropole au mois de janvier. Si le Dares, service des statistiques du ministère du Travail, a préconisé une manipulation prudente de ces calculs, concernant la catégorie A, Myriam El Khomri s’est, elle, légèrement emballée.

Sans réserve, la ministre du Travail a confirmé une «tendance qui se dessine depuis l’été dernier», et ajouté qu’il n’y avait pas de «bug». Au contraire, que les estimations étaient «honnêtes et exactes». Sur le site du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, apparaissait pourtant les mots suivants : 

En janvier 2016, le nombre de sorties de catégories A, B et C pour cessation d’inscription pour défaut d’actualisation a enregistré un rebond inhabituellement fort […] Pour l’interprétation des chiffres de cette publication, il convient donc de privilégier les évolutions en tendance plutôt qu’au mois le mois.

De quoi s’interroger sur les raisons de cette soudaine amélioration, vraisemblablement indépendante de la conjoncture. Afin d’expliquer ce phénomène, Jean-Charles Steyger, responsable du syndicat SNU, a avancé quatre facteurs, relayés par le quotidien Libération, qui aurait «pu contribuer, artificiellement, à cette embellie» : «Le contrôle des chômeurs» que le gouvernement a renforcé en septembre, «la modification des horaires d’accès aux agences Pôle Emploi», le changement des dates permettant aux chômeurs ayant une activité réduite de s’actualiser (passant du 20 au 15 du mois) et enfin la possibilité d’une «saturation» du réseau internet de Pôle Emploi. Autant de possibilités qui ont pu conduire à des défauts d’actualisation, c’est à dire à une radiation provisoire du Pôle Emploi. De fait, ces personnes ne seraient pas considérées ce mois-ci comme des chômeurs, mais le seront après une nouvelle actualisation par téléphone ou par internet.

Les personnes ne sont pas informées, notamment de la dématérialisation. Ce sont les associations qui s’occupent de tenir au courant les principaux concernés. Cela conduit évidemment à des bugs.

Du même avis, Zalie Mansoibou, chargée de l’animation et de la coordination du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP) ne croit pas à la baisse du chômage et invoque des logiques similaires à celles communiquées par Jean-Charles Steyger :

La militante du MNCP s’est dite politiquement inquiète de ces annonces précipitées, qui correspondent à la ligne que s’est fixée François Hollande pour une éventuelle candidature à l’élection présidentielle :

La brigade de contrôle informe directement les conseillers des agences qu’une personne est potentiellement susceptible d’être radiée. Or, nous nous rendons compte que ce sont souvent des personnes qui ont entre 55 et 60 ans.

Des personnes qui, en effet, ont moins de chance de revenir sur le marché du travail. Cynique stratégie ?

Travail
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« La question du partage du travail fait son retour »
Entretien 20 mars 2024

« La question du partage du travail fait son retour »

Le sondage réalisé par l’Ifop pour Politis révèle qu’une très large majorité de Français seraient favorables à l’instauration de la semaine de 4 jours, à 32 heures payées 35 heures, dans le public comme dans le privé. Décryptage par Chloé Tegny, chargée d’études sénior de l’institut.
Par Michel Soudais
Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice
Travail 20 mars 2024 abonné·es

Mort au travail : pour Jemaa, l’interminable recherche de justice

Jemaa Saad Bakouche a perdu son compagnon, victime d’un accident sur un chantier en 2019. Malgré plusieurs manquements soulevés par l’inspection du travail et la justice, le chef d’homicide involontaire n’a pas été retenu par les juges. Elle a décidé de se pourvoir en cassation.
Par Pierre Jequier-Zalc
« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »
Entretien 20 mars 2024 abonné·es

« La semaine de 4 jours est possible et pleine d’avantages pour tous »

Député européen (Nouvelle Donne), Pierre Larrouturou est engagé depuis plus de trente ans en faveur des 32 heures payées 35. Il explique ici les raisons de cette conviction et répond aux critiques récurrentes contre une telle mesure.
Par Olivier Doubre
La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français
Enquête 20 mars 2024 abonné·es

La semaine de 32 heures en 4 jours, l’idée que plébiscitent les Français

Derrière la semaine de quatre jours se cachent, en réalité, de nombreux paramètres. Si elle ne s’accompagne pas d’une réduction du temps de travail, tout indique qu’elle s’avérerait une fausse bonne idée.
Par Pierre Jequier-Zalc