La France va-t-elle mieux ?

La croissance de 1,2 % en 2015 n’est pas due à la politique de l’offre tant vantée par le gouvernement.

Liêm Hoang-Ngoc  • 27 avril 2016
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La France va-t-elle mieux ?
© Photo: STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

Selon le chef de l’État et son Premier ministre, la France va mieux. La reprise se consolide et le déficit extérieur se résorbe, témoignant des effets bénéfiques de la politique de l’offre. La dette se réduit. Le pouvoir d’achat augmente. La pauvreté recule. La courbe du chômage s’inversera en fin de mandat. Tel est l’argumentaire technocratique que le candidat putatif Hollande à la future élection présidentielle a commencé à déployer lors de son intervention télévisée. Une analyse détaillée montre pourtant que la politique du gouvernement est étrangère à l’impact macroéconomique qu’elle est supposée avoir provoqué.

La croissance de 1,2 % en 2015, au demeurant insuffisante pour inverser la courbe du chômage, n’est pas due aux bienfaits du CICE sur l’investissement. Elle a été tirée par des « facteurs hétérodoxes ». C’est la demande interne et externe qui a tiré la reprise, et non la politique de l’offre tant vantée. Le pouvoir d’achat des ménages s’est accru par le seul biais de la baisse du prix de l’énergie et a soutenu la consommation. La baisse de l’euro, provoquée par la BCE, a dopé les exportations. Ces mêmes facteurs (dévaluation de l’euro et baisse de la facture pétrolière) expliquent que le déficit extérieur soit passé de 74,5 milliards d’euros à 45,6 milliards entre 2011 et 2015.

Le gouvernement se targue d’avoir respecté le sérieux budgétaire sans tomber dans l’austérité. Et pour cause : il a réduit les dépenses de l’État et de la Sécurité sociale ainsi que les dotations des collectivités territoriales, tout en négociant auprès des institutions européennes le droit de déroger au pacte de stabilité durant toute la durée du quinquennat pour financer son pacte de responsabilité. Le faible impact de cette politique sur la croissance (celle-ci étant la condition nécessaire pour générer des recettes fiscales qui soient affectées au désendettement) explique que le taux d’endettement soit passé de 89,6 % du PIB à 97,5 % entre 2012 et le deuxième trimestre

  1. Le déficit public (3,5 % du PIB en 2015) et le taux d’endettement (95,1 % du PIB au quatrième trimestre 2015) ont diminué grâce à la reprise (liée aux facteurs hétérodoxes susmentionnés) et à la contraction des charges de la dette, résultant de la baisse des taux d’intérêt des titres souverains (consécutive à l’action de la BCE).

Côté social, le RSA a été revalorisé de 6,8 % depuis 2012 et le nombre de personne sous le seuil de pauvreté a sensiblement reculé en 2013 (14 % de la population). Mais le taux de pauvreté a recommencé à remonter à 14,2 % de la population en 2014, tandis que les inégalités continuent à se creuser. Enfin, la courbe du chômage est susceptible de s’inverser grâce à une croissance espérée à 1,5 % en 2016 et via le placement programmé de 500 000 chômeurs en formation.

Malgré un bilan bien meilleur, Lionel Jospin avait été contraint de se retirer de la vie politique un certain 21 avril 2002, pour avoir défendu un programme qui n’était déjà plus socialiste…

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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