Marseille sous un autre jour

L’Observatoire de la délinquance et des contextes sociaux, en région Paca, déconstruit l’image d’une capitale de la violence.

Ingrid Merckx  • 25 mai 2016 abonné·es
Marseille sous un autre jour
© GERARD JULIEN/AFP

Marseille = Chicago ? La capitale du crime ? Règlements de comptes, délinquance et deal de bas d’immeuble ? C’est l’image dont souffre la cité phocéenne. Et qu’exploitent des séries comme Panthers et Marseille, la dernière étant produite par le géant américain Netflix, qui s’est bien gardé d’éviter les clichés. Mais, en réalité, qu’en est-il de la délinquance, des politiques de prévention, du pouvoir et du rôle du maire ?

« La sécurité est un thème beaucoup trop politique ou politisé, au niveau local comme au niveau national », préviennent Laurent Mucchielli, Émilie Raquet et les chercheurs qu’ils ont réunis pour constituer l’Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux (ORDCS) en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur. Une expérience de recherche et d’expertise publique mise en place de manière expérimentale de 2011 à 2015 pour élaborer un contenu scientifique sur le sujet. « On soulignera plutôt la grande rareté des travaux de sciences sociales produits jusqu’alors localement sur les questions de délinquance, de police et de justice, lors même que la région marseillaise occupe en la matière le devant de la scène », écrit le sociologue en introduction de l’ouvrage qui rend compte de ces travaux. Y compris des difficultés auxquelles ils se sont heurtés : quelles données disponibles ? Quelles collaborations possibles ? Quel budget pour monter une équipe et la faire fonctionner ?

Cette étude aborde également la question des conditions d’exercice des sciences sociales en France. Un de ses objectifs étant de rendre un certain nombre d’informations intelligibles par un large public, comme les « chiffres » relatifs aux phénomènes de délinquance. Ainsi, il n’y a pas « une » mais « des » délinquances, sur lesquelles les études manquent, en raison notamment du peu de personnes qui en seraient chargées au Comité interministériel de prévention de la délinquance. Il n’y a pas non plus « une jeunesse », sous-entendu « délinquante », car il n’y a pas de corrélation évidente entre une tranche d’âge et des taux d’infraction, mais plutôt des « liens » entre délinquances et jeunes marginalisés.

Le « cas marseillais » est aussi le produit d’un certain nombre de présupposés culturalistes : « Les gens sont plus violents dans le Sud… » L’ORDCS s’est également attaché à recueillir des éléments sur le « sentiment d’insécurité » en milieu étudiant, en comparant deux campus, et à dresser un bilan mitigé des zones de sécurité prioritaire à Marseille, mises en place depuis 2012.

Sur le volet de la drogue, l’ORDCS préconise une « véritable révolution sociale », entre légalisation de la vente et lutte contre l’exclusion. Il lance aussi un appel : s’il manque un service public d’accompagnement des politiques locales, ce n’est pas par manque d’argent public mais par manque de « capacité à le dépenser de façons utile ».

Société
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