Autoroute A10 : la vérité sur les origines de l’inondation

La portion de voie hors service était construite sur une zone humide et tout le monde le savait depuis longtemps

Claude-Marie Vadrot  • 9 juin 2016
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Autoroute A10 : la vérité sur les origines de l’inondation
© Photo : PASCAL FOULON / VINCI AUTOROUTES / AFP.

L’autoroute A10, notamment dans la partie toujours inondée en amont d’Orléans, a été construite dans les années 70. Une époque à laquelle les avertissements et préconisations des écologistes et des organismes officiels étaient encore moins écoutés ou respectés qu’en 2016.

Donc, lors de la construction de l’autoroute, les ingénieurs ignorèrent volontairement le contenu d’un rapport du BRGM (Bureau de recherche géologique et minière), organisme d’État en charge de tout ce qui concerne le sous-sol du territoire. Tout comme ils négligèrent les protestations des protecteurs de la nature.

Que disaient les uns et les autres, en des termes différents mais concordants ?

Tout simplement qu’il fallait éviter la proximité du village de Gidy, là où l’inondation a surgi, et donc modifier le tracé de l’autoroute. Modification et détour suggérés pour éviter d’avoir à supprimer une grande zone humide que les ingénieurs voulaient assécher. Parce que, expliquaient alors les spécialistes du BRGM, rien ne prouvait que « l’effacement » de l’étang et la zone humide qui l’entourait pouvait être durable et permanent, le fonctionnement d’un sous-sol, quel qu’il soit, recélant des mystères généralement ignorés par les bâtisseurs. Les protecteurs de la nature d’Orléans et les responsables du Muséum naturel de la ville, eux, faisaient un pronostic semblable et insistaient évidemment sur les dommages écologiques causés par la disparition d’une faune et d’une flore très riches en bord d’une plaine de la Beauce et de la forêt d’Orléans.

Rivière souterraine

De plus, des habitants de la région, à Gidy et alentours, expliquèrent que cette grande zone humide entretenait le cours d’une petite rivière souterraine, la Retrève, connue pour se manifester de temps en temps, c’est-à-dire surgir et inonder, la campagne en cas de fortes pluies. Ces avertissements, ravalés au rang de ratiocinages de paysans, restèrent évidemment ignorés. Pourtant, la rivière en question figurait sur toutes les cartes géologiques de la région. Ignorance d’autant plus surprenante que sur le tronçon suivant, celui qui part d’Orléans en direction de Tours, d’autres ingénieurs moins ignorants ont pris la précaution de traverser l’arrière-pays de Meung-sur-Loire, parcouru par d’autres résurgences de zone humide – les Mauves – grâce à un viaduc évitant à la fois le massacre d’une zone humide et les risques d’inondations.

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Donc, l’eau coupant l’autoroute A10 à hauteur de Gidy provient à la fois de l’ancienne zone humide et de la rivière souterraine gonflée par les fortes pluies. Comme les naturalistes et des experts du BRGM l’avaient prévu. D’où les difficultés rencontrées pour vider une poche d’eau de plus d’un mètre de profondeur recouvrant l’emplacement de l’ancien étang que les ingénieurs du BTP avaient pensé effacer pour l’éternité. Sans oublier que les caméras de surveillance dont Vinci est si fier n’ont pas vu l’inondation sur laquelle des centaines de voitures et de camions sont venus s’empiler…

L’eau pompée envahit les villages

Circonstance aggravante pour les habitants de la région : l’eau pompée depuis des jours par des engins énormes pour assécher l’autoroute retourne dans l’ancienne zone humide et dans la rivière souterraine. Ce qui a entraîné une inondation catastrophique dans les communes de Gidy et de Cercottes. Avec des excavations qui sont en train de vider la nappe souterraine de la forêt d’Orléans et ont entrainé des sinistres dans plus de 800 maisons du village de Gidy. Sans oublier les dégâts à Cercottes toute proche. Ce qui tend à rappeler que ce ne sont ni la Seine ni la Loire qui ont provoqué les catastrophes récentes, mais le peu de cas que les élus et les aménageurs du territoire font des petites rivières que les uns et les autres canalisent sans la moindre précaution ni le moindre entretien.

Le paysage a plus de mémoire que les ingénieurs.

Société
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